Généalogie des Dullin d'Yenne

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Le supplément à cette livraison de la Gazette doit beaucoup à Charles Dullin et sa famille de Paul Hamon (G.11,622 192), dont voici l'introduction.

 

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Généalogie et hérédité

Une généalogie n'a de valeur, le plus souvent, que pour les membres de la famille dont il est question. En fait, comme elle permet d'étudier les phénomènes de l'hérédité, elle doit avoir une portée beaucoup plus générale et présenter un tout autre intérêt.

On sait maintenant que les tares ou les qualités héritées des ascendants ne proviennent pas des aïeux les plus proches, mais presque toujours d'ancêtres lointains ; aussi n'y a-t-il pas lieu d'exagérer l'importance des ascendants immédiats (père, mère et grands-parents) pour s'attacher au contraire à une meilleure connaissance des générations antérieures. S'il est acquis que le père et la mère ne sont pas obligatoirement à égalité dans la transmission des qualités et des tares, il faut souligner aussi que "les lignes de force héréditaire les plus puissantes passent par des filiations de même sexe ou peu mélangées, donc là où la suite des ancêtres n'est pas interrompue par trop de membres de l'autre sexe." D'où il résulte que les lignes purement masculine - père, grand-père, arrière grand-père, etc. - et entièrement féminine - mère, grand-mère, arrière grand-mère, etc. - présentent la plus grande importance.

Comme on ne choisit pas sa généalogie et qu'elle existe toute faite, il est particulièrement intéressant de mettre en lumière les apports divers des générations qui ont précédé un homme marquant. Bien que son ascendance à elle seule ne puisse suffire à expliquer son talent ou son mérite, elle peut en donner une connaissance plus profonde. Tous les êtres sont solidaires les uns des autres, et il n'est pas possible d'en comprendre un sans le rattacher à ceux qui l'ont précédé.

Charles Dullin - avant et pendant q'il était directeur du théâtre Sarah-Bernhardt - manifesta à plusieurs reprises, et certes pas par vanité, le désir d'en savoir davantage sur sa famille. Il était curieux de se mieux connaître, sachant très bien qu'il faut de nombreuses générations pour faire un homme. Il aurait pourtant été incapable de faire remonter sa généalogie au-delà de son grand-père. Dix-septième enfant, il perdit ses parents avant sa majorité et ne connut certains de ses frères qu'une fois parvenu à l'âge d'homme. Il y avait une véritable rupture entre lui et les générations antérieures, mais il conservait un amour profond de ce coin de Savoie qui l'avait vu naître.

Posons-nous les mêmes questions que lui. D'où venaient les Dullin ? Que faisaient-ils ? Comment vivaient-ils ?

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Onomastique et origine

D'après le chanoine Gros [Dictionnaire étymologique des noms de lieux de Savoie, 1935, p. 209. - NDLA], Dullin et ses variantes Dulin, Dolin et Dollin, serait un nom d'origine germanique venant de Dodolenus, qui, abrégé, a donné Dolenus, Dolinus. Il fut à la fois nom d'homme et nom de lieu. En Savoie, une commune porte ce nom : Dullin, dans le canton de Pont-de-Beauvoisin, ainsi qu'un hameau de Saint-Pierre-d'Alvey. Jean-Louis de Rovère s'intitulait marquis de Saint-Séverin et comte de Dullin. C'est en faveur de son grand-père François de Rovère, marquis de Saint-Séverin, que Verel, Dullin, Pont-de-Beauvoisin et La Bridoire furent érigés en marquisat le 10 octobre 1654. Pour Dauzat [Dictionnaire étymologique des noms de familles, 1951, p. 221-7. -NDLA], Dulin ou Dullin, qu'il faut lire "du lin", désigne simplement "une culture de lin caractéristique de la maison".

Sans être très répandu, le nom de Dullin se rencontre non seulement en Savoie, mais aussi en Dauphiné et dans les environs de Lyon avec une ou deux L. En Savoie, dès 1291, on trouve Françoise de Dulina, épouse d'Henri de Lucinge ; elle avait pour sœur Catherine. Pierre de Chissé, mort avant 1347, était le mari de Françoise de Dulina.

La famille Dullin, dont la généalogie va suivre, est originaire de Gerbaix (Savoie). Venue à Saint-Genix-sur-Guiers au milieu du XIIIème siècle, elle se fixa Yenne au siècle suivant. Dès le XVIIème siècle, elle appartenait à la bourgeoisie aisée, mais rien ne permet de la rattacher à Antoine Armanulph de Dullin, époux de Françoise de Corbeau, dont les enfants sont légataires au testament de 1471. Il n'est pas davantage possible de savoir si Philippe Dullin, dont les enfants furent baptisés à Yenne les 12 juin 1616 et 13 octobre 1619, avait une parenté avec eux.

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Traits familiaux

Les Dullin ont rempli, jusqu'au sénateur Pierre Dullin, les fonctions de notaire, de curial, d'insinuateur - receveur des domaines en Savoie -, de percepteur des contributions directes et, depuis le XIXème siècle, ils ont donné des magistrats pendant trois générations.

Ils se sont toujours alliés aux XVIIème et XVIIIème siècles à des familles savoyardes de même rang et de professions identiques ; ils recherchèrent surtout leurs femmes dans leur proche parenté. Dominique Dullin, qui avait pour grands-mères deux Revardel, épousa une Goybet, dont le nom primitif était Revardel. Son fils, petit-fils d'une Poncet, épousa Gasparde Poncet, sa cousine au cinquième degré. Et nous ne parlerons pas des diverses parentés existant entre toutes ces familles du fait des innombrables Belly. Avec les tables ascendantes, on remarque encore mieux l'enchevêtrement de tous ces cousinages et l'on constate la prédominance des Revardel. Pour certains rameaux de la branche aînée, des mariages entre parents plus ou moins éloignés se reproduiront aux XIXème et XXème siècles. En 1837, Pierre Dullin, en n'épousant pas une Savoyarde mais une Dauphinoise, rompit le premier avec une tradition à laquelle la branche cadette resta fidèle jusqu'au XXème siècle.

Les Dullin étaient connus pour leur ténacité, leur persévérance dans l'effort, un goût indiscutable de la chicane, un solide optimisme, un sens pratique certain qui pourtant devait toujours manquer à Jacques Dullin, père de Charles. Leur culture était bonne sans toutefois dépasser celle que l'on rencontre habituellement dans les familles bourgeoises des petites villes de province. Ils avaient une tendance à l'originalité et passaient pour peu commodes.

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Deux branches

Avant la Révolution, les deux branches encore représentées actuellement se constituèrent ; l'aînée eut pour auteur Charles Dullin, notaire à Yenne, et la cadette eut pour chef son frère François, également notaire. Leur fortune fut diverse.

Pierre Dullin, devenu chef de la branche aînée, entra au sénat de Savoie comme sénateur avocat des pauvres et acquit ainsi de nombreux privilèges [Les principaux étaient les suivants : noblesse ancienne et transmissible, exemption des impôts et droit d'être jugé par la cour des chambres réunies. - NDLA]. Ses descendants ont donné naissance à plusieurs rameaux.

Jacques Dullin, un des quatre enfants de François et cousin du précédent, assura à lui seul la survivance de la branche cadette. Et comment ! Il eut dix-sept enfants et fut père de l'acteur Charles Dullin. Notaire comme son père, puis juge de paix, il dilapida surtout par insouciance une assez belle fortune terrienne, ce qui ne l'empêcha pas de se brouiller, autant pour des questions d'intérêt que pour des vues politiques différentes, avec les Dullin de la branche aînée. C'est bien en vain que Ferdinand Dullin tenta un rapprochement en 1897.

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Des propriétés dans le canton d'Yenne

Les Dullin ont possédé et possèdent encore des propriétés dans le canton d'Yenne.

Le château de Bornessant, à Billième, après avoir appartenu aux XVIIème et XVIIIème siècles aux Mareste et aux Comnène, a été vendu, le 31 mai 1753, par Claude de Comnène, dominicain à Chambéry, fils de Joseph-Nicolas et petit-fils d'autre Claude de Comnène, propriétaire de cette seigneurie en 1725, à Me Prudent Belly [Il était fils de Claude Belly, de Volontaz, bourgeois de Chambéry. -NDLA.], notaire, qui avait épousé en premières noces Marguerite de Bavoz et en deuxièmes Marguerite Courtois d'Arcollières. De ses deux mariages, Prudent Belly eut plusieurs enfants dont un fils, Charles-François Belly, officier, qui, célibataire, laissa Bornessant à ses cousins Pierre Goybet et Joseph Dullin, par un testament du 18 août 1816. À son décès, en 1818, sa gouvernante Jacqueline Viennot eut l'usufruit de Bornessant, et ni Pierre Goybet ni Joseph Dullin ne purent jouir de cette propriété. A la mort de Mlle Viennot, Bornessant appartenait à Antoine Goybet, fils de Pierre, et à Pierre Dullin, neveu de Joseph. Le 9 avril 1852, Antoine Goybet vendit à Pierre Dullin sa part de Bornessant, qui devint ainsi l'entière propriété des Dullin, qui le conservent encore. Vers 1853, Pierre Dullin fit restaurer le château.

Le même Joseph Dullin, qui eut Bornessant, hérita de Louise Belly, demi-sœur de Charles-François Belly et veuve de Louis Dupasquier, de La Combe. Le Général de Cordon lui laissa en outre, par un testament de 1839, le château du Châtelard et la ferme de Prarion. Le Châtelard, après avoir appartenu au neveu de Joseph Dullin, Jacques Dullin, fut vendu après sa mort en 1904. C'est le fils du fermier des Dullin qui le possède actuellement.

Le château de Choisel, à Saint-Paul-sur-Yenne, qui de 1263 à la Révolution appartint aux Seyssel, fut acheté, en 1921, par Ferdinand Dullin ; c'est son fils Joseph Dullin qui, en 1922, en devint propriétaire et le fit restaurer.

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Héraldique

 

La famille Dullin n'a pas d'armoiries.

Paul HAMON,

introduction de Charles Dullin et sa famille, généalogie des Dullin d'Yenne, imprimerie Allier, Grenoble, 1957.

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