Peter Bressan, facteur d’instruments

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Ces deux pages de l’internet, communiquées par Jérôme Jaillard, évoquent un certain Pierre Jaillard, né à Bourg-en-Bresse en 1663 et surnommé à Londres Peter Bressan. Son éventuelle parenté avec nous n’est étayée par aucun autre indice que l’homonymie et la relative proximité géographique. Ses flûtes font toujours référence pour les interprétations sur instruments d’époque, comme en témoignent des enregistrements discographiques et la commercialisation d’une copie.

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Les facteurs français anciens

" C’est un grand avantage à un joueur de flûte, quand il sait en faire lui-même, ou qu’il peut au moins les accorder. "

Jean-Jacques Quantz.

Cette page est directement inspirée du chapitre IV de la thèse de musicologie de Laurence Pottier, qui m’a très gentiment envoyé son travail. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.

Introduction

La facture instrumentale est très importante, car elle permet de connaître la manière dont étaient fabriqués les instruments et leur popularité. Toutefois, comme de nombreuses études sur les instruments de la Renaissance le confirment, l’absence d’originaux ne prouve pas qu’ils n’aient pas existé. Pour l’époque baroque, le problème ne se pose pas réellement, puisque de nombreux instruments ont été conservés.

La transformation de la perce cylindrique ou cylindro-conique en perce conique inverse, et le lieu où elle s’effectua, restent encore un mystère. Vraisemblablement, ce changement n’est pas dû à un seul pays, mais à plusieurs. Déjà, au début du xviie siècle, Praetorius suggère la découpe de la flûte pour pouvoir l’accorder plus aisément. Il restait ensuite à travailler l’instrument de l’intérieur avec des bois plus résistants, pour donner un son plus homogène et faciliter les doigtés. Pourquoi un tel changement ? Tout d’abord parce que la vocation du facteur et du luthier est avant tout d’améliorer sans cesse ses modèles et, ensuite, pour permettre une plus grande adéquation entre la musique composée (qui évolue également) et les instruments.

Les principaux facteurs de flûte à bec français

[La Renaissance]

Les premiers " faiseurs d’instruments " appartenant à la communauté des tourneurs de bâtons de chaises, apparaissent au xvie siècle. Ainsi Mathurin ou Mathelin ou Mathieu de la Noue exerce son art de " faiseur d’instruments ", " fleustier " ou " floteur " à Lyon de 1518 à 1538. En 1543, il s’installe à Paris, rue de la Mégisserie, où il meurt un an après. Son inventaire après décès, daté du 11 août 1544, cite parmi les flûtes d’Allemands, les fifres, les chalumeaux et les hautbois : " ung jeu de quatre fleustes de bouys, (…) deux grosses fleustes, (…) deux grosses fleustes de buys à neuf trouz garniz des ecrins de cuir ".

Étienne Loré, mort le 11 décembre 1553, était lui aussi " faiseur d’instruments " à vent, comme l’atteste également son inventaire après décès : " une fluste a neuf trouz, (…) ung pipet avec neuf flustes et deux estuiz ".

Mais le plus connu est sans doute Claude Rafi, " fleustier " lyonnais, dont Marot vante les mérites dans l’Églogue sur Madame Loyse de Savoye, mère du Roy François Ier de ce nom, morte en 1531 :

" De moy auras un double chalumeau
" Faict de la main de Raffy Lyonnais :
" Lequel, à peine, ay eu pour un chevreau
" Du bon pasteur Michau que tu connoys.
" Jamais encore n’en sonnay qu’une foys
" Et si le garde aussi cher que la vie. "

Fils de Michau Raffin, " floteur, qui estoit au costé devers le Rosne ", Claude n’apparaît qu’en 1515 dans les archives de la ville de Lyon comme " fleutier ". Seule, sa date de décès, le 8 avril 1553, est connue. Il reste actuellement quelques instruments originaux de ce facteur, notamment une flûte à bec ténor conservée à Bruges, une autre dans la collection du Bachlaus à Eisenach, ainsi qu’un ténor et une petite basse à l’Accademia Filarmonica de Bologne.

[L’époque baroque]

Les xviie et xviiie siècles sont plus riches en facteurs de flûtes à bec que le xvie, comme le montre la liste alphabétique suivante. Si une grande partie des noms qui la constituent sont inconnus et ne correspondent à aucun instrument retrouvé, l’autre permet de redécouvrir de célèbres artistes tels les Hotteterre, Bressan et Rippert, pour ne citer que les plus connus.

[Pierre Jaillard dit Peter Bressan]

Pierre Jaillard, plus connu sous le nom de Bressan, est un des meilleurs facteurs de son temps. Né à Bourg-en-Bresse en 1663, il est apprenti chez Pierre Boissier de 1678 à 1680, puis nous perdons sa trace. C’est vraisemblablement entre 1680 et 1683, à Paris, qu’il apprend à tourner des flûtes à bec. La ressemblance de ses instruments avec ceux de Rippert laisse supposer qu’ils ont eu tous deux les mêmes maîtres. S’agissait-il de Jean Ier Hotteterre ou de son fils Jean II, de Nicolas Ier ou de Louis Ier ? Rien ne l’indique, mais le style de Bressan est évidemment influencé par la facture française.

Il s’installe dès 1683 en Angleterre, probablement à l’instigation de Jacques Paisible, comme un certificat de citoyenneté l’indique. Considéré comme le chef de file de la facture anglaise d’instruments à vent, il compte parmi ses élèves et continuateurs Stanesby senior et junior, Schuchardt et Bradbury.

Bien qu’ayant réalisé la majorité de ses instruments à Londres, il n’était pas possible de l’ignorer [dans un tableau de la facture française de flûtes à bec]. Sa production comprend des flûtes de plusieurs tailles, flûte soprano en si bémol, altos en fa, ténors en (ou voice flute), ténors en do et basses en fa. Plus de quarante flûtes sont conservées dans les musées et collections particulières, ce qui montre l’immense talent de ce facteur français établi à Londres.

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Bibliographie

Charles-Emmanuel Borjon de Scellery, Traité de musette…, Jean Girin et Barthélemy Rivière, Lyon, 1672. Fac-similé, Minkoff, Genève, 1972.
H. Coutagne, Duiffoproucart et les luthiers lyonnais du xvie siècle, Fischbacher, Lyon, 1893.
François Lesure, " la facture instrumentale à Paris au xvie siècle ", Galpin Society, n° VII, avril 1954.
Constant Pierre, les Facteurs d’instruments de musique, Sagot, Paris, 1893. Réédition, Minkoff, Genève, 1976.
Abraham du Pradel, le Livre commode des adresses de Paris pour 1692, Fournier, Paris, 1878.
Agnès Richard, Descoteaux et Rebillé, flûtistes du roi, mémoire de maîtrise, Sorbonne, Paris IV.
Joseph Sauveur, Principes d’acoustique et de musique, Paris, 1701. Fac-similé, Minkoff, Genève, 1973.
Ernest Thoinan, les Hotteterre et les Chédeville, Edmont Sagot, Paris, 1894. Fac-similé, Zurfluh, Paris.

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Une copie dans le commerce

Des flûtes à trois tronçons, à perce (plus ou moins) conique et avec une clef, ont été en usage d’environ 1685 à environ 1720. Nous copions des originaux faits à Amsterdam, à Londres et à Paris.

Pierre Jaillard-Bressan (Londres, 1663 – 1730). Original en ébène de la collection Oldham à Londres, et une autre bressan à trois tronçons de la collection Miller à Washington (district de Columbia [États-Unis]). 2 000 $.

L’instrument

Bressan est né Pierre Jaillard à Bourg-en-Bresse (France), et il y apprit le tournage, mais vers 1688 il s’établit à Londres comme facteur sous le pseudonyme de Bressan. Il fut aussi hautboïste, accompagnant Guillaume III en Hollande, et fit des boîtes à musique et des hautbois, ainsi que des flûtes traversières. Il fut actif à Londres d’environ 1688 à 1730.

La flûte que nous copions a probablement été faite peu après 1700. L’embouchure [en français dans le texte] d’origine ayant été endommagée, nous utilisons celle d’une autre bressan à trois tronçons, de la collection Miller à Washington.

La musique

La musique italienne faisait fureur à Londres à l’époque de Bressan. Cet instrument rend particulièrement bien les opéras italiens de Haendel et les solos de flûte allemands et italiens publiés par Walsh.

Folkers & Powell.

Facteurs de flûtes historiques.
49 Route 25 ; Hudson NY 12534-9508 ; États-Unis. (1) 518 828 9779. (1) 518 822 1416 (télécopie).
Makers@baroqueflute.com. 2 septembre 1999. Traduction de l’anglais par Pierre Jaillard.

  In La gazette de l'île Barbe n° 45

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