Évidemment, fenêtres
ouvertes, on entend tous les bruits de la rue et l’on devine plus ou
moins ce qui s’y passe. Ce jour-là, 16 juillet, on
entendait le croassement bruyant des corbeaux du voisinage, ce qui
n’a rien d’extraordinaire ; notre région parisienne n’est pas
dépourvue de vie animale : en particulier les oiseaux se
sentent à l’aise chez nous. En même temps, on percevait
un cri un peu hésitant, sporadique… on aurait dit un chat,
mais ma femme n’a pas tardé à reconnaître le cri
d’un bébé. En regardant dehors, toute hésitation
devenait impossible : il s’agissait bien d’un bébé qui
venait de naître et d’une jeune femme en train d’accoucher.
Inutile de dire que nous avons descendu à grande vitesse nos
deux étages d’escalier… ma femme, arrivée la
première, a pris dans ses bras un bébé tout
gluant, qui était déposé par terre sur un sac en
plastique. Son premier réflexe était de rapporter chez
nous pour le réchauffer ce bébé dont personne ne
s’occupait. La mère était debout ; elle avait
accouché assise sur un muret et coupé le cordon avec
ses ciseaux. " Est-ce que je peux venir aussi ? " a-t-elle
demandé timidement. " Bien sûr ! " C’est comme cela qu’elle est
montée chez nous, en laissant de grandes traces de sang dans
l’escalier… et qu’elle s’est retrouvée dans notre lit, qui
n’avait pas eu le temps de refroidir ! La suite de l’histoire… Sachez qu’en
pareil cas on fait le 15 pour appeler le SAMU, et qu’après
environ dix minutes d’attente vous voyez arriver les pompiers,
c’est-à-dire une équipe de jeunes hommes que l’on ne
s’attend pas à voir capables de soigner une femme et son
bébé. Mais finalement les pompiers de Paris font face
à toutes les situations avec dévouement et
compétence. Le bébé a été
dûment traité : lavage, prise de température (de
34°C, il est remonté à une température
normale), gouttes dans les yeux, nettoyage des voies
respiratoires. C’est une joie extraordinaire de voir
la vie se déployer ; car le bébé en question a
tout de suite montré une extraordinaire vitalité et une
extraordinaire vigueur. Et finalement, nous partagions tous une joie
de jeunesse, nous qui sommes dans les 70 ans et les pompiers qui n’en
ont pas beaucoup plus que 25, parce que ce bébé, au
lieu de mourir, montrait qu’il était pleinement vivant.
Quant à la mère, il ne
s’agit pas d’une attardée mentale, pas d’un cas social… C’est
une fille de 19 ans, une élève de terminale dans un
lycée, dont personne, jusqu’à la fin de l’année
scolaire, ne soupçonnait la situation ; un mois plus
tôt, elle passait son bac ; elle venait d’être
reçue. Une fille intelligente et même brillante…
Après tout, elle aurait pu être votre propre
fille. Pourquoi vous raconter cette histoire,
dont vous ignorez le contexte, qu’il ne m’appartient pas de divulguer
? En fait, j’ai hésité
à jeter sur la place publique ce " fait divers ".
Mais il est bon parfois de prendre conscience de ce qui se passe
réellement sous nos fenêtres. N’est-ce pas une invitation à
garder nos yeux et notre cœur ouverts sur les détresses de
notre monde ? Peut-être aussi une occasion de
s’interroger sur la mentalité ambiante qui accorde si peu de
prix à la vie des enfants à naître et devient
totalement inhumaine. Notre Mouvement s’oriente vers les
soins palliatifs : c’est sans doute un besoin réel ; mais ce
n’est pas une raison pour oublier la défense des droits des
enfants à naître. Enfin, remarquez l’humour du Seigneur.
Dimanche 15 juillet, nous entendions à la messe
l’évangile du bon Samaritain. Lundi 16, le Seigneur nous
proposait un exercice pratique. Mardi 17, la liturgie du jour nous
faisait lire un récit vieux de quelques millénaires ;
il s’agissait de la fille d’un pharaon égyptien qui
découvrait un bébé abandonné sur les
rives du Nil : c’était Moïse. Henri Joubert. Responsable
diocésain In Nouvel Essor. In La gazette de l'île Barbe n° 47
du Mouvement des chrétiens retraités (MCR) des
Hauts-de-Seine.