Le grand commerce international,
représenté à Lyon par de riches banquiers et
négociants, italiens et allemands, a développé
dans la ville la prospérité et le luxe. Les
métaux précieux y circulent en abondance sous les
formes les plus variées : monnaies étrangères,
notamment piastres et réaux d’Espagne, qui sont fondues en
lingots parce qu’elles n’ont pas cours en France ; ouvrages de
" grosserie " tels que vaisselle, aiguières, etc. ;
ouvrages de " menuiserie ", tels que bijoux, bracelets,
etc. Charles VI, frappé de cette
situation privilégiée, transporta, en 1410, à
Lyon l’hôtel des monnaies qui était établi
à Mâcon. La juridiction spéciale qui y est
attachée sous le nom de " chambre des monnaies " ne
tarde pas de prendre une grande importance : elle devient une
" cour des monnaies " à laquelle, sous Louis XIV,
sont réunis la sénéchaussée et le
siège présidial. Elle comprend dans son ressort le midi
de la France, tandis que les provinces du nord demeurent
placées dans le ressort de la cour des monnaies
siégeant à Paris. Mais l’emploi de l’or et de l’argent ne
doit pas être uniquement réglementé dans la
fabrication des monnaies. Ces métaux, dès la plus haute
antiquité, ont été employés
industriellement ; et, dans tous les pays civilisés, il a
été d’intérêt public d’établir une
surveillance sur les ouvrages d’or et d’argent qui sont livrés
par l’industrie à la consommation. En France, c’est au
XIIIe siècle que les rois manifestent le
désir de prévenir la fraude dans le titre
énoncé par les vendeurs, de donner ainsi
sécurité au trafic dans l’intérieur du royaume
et de prévenir le discrédit des produits
français à l’étranger. Ils fixent un titre
légal pour l’or et l’argent auquel les orfèvres doivent
se conformer, et ils exigent que le titre soit garanti par un
poinçonnage. Dans le livre des métiers
d’Étienne Boileau, il est enjoint aux orfèvres d’ouvrer
l’or à la " touche " de Paris, soit 19 carats
[Le carat, titre,
représente 42/1.000 : il se subdivisait en 32 parties. Le
denier, titre, représente 83/1.000 : il se subdivisait en 24
grains. – Ces dénominations, carat, denier, grain,
présentent quelque confusion avec celles qui étaient
usitées pour peser les objets. Le carat, poids,
équivaut à 2 décigrammes : il se subdivisait en
4 grains. Le denier, poids, équivaut à 13
décigrammes environ. – L’or pur était dit à 24
carats quant au titre ; et l’argent pur à 12 deniers. — NDLA.]
1/5 correspondant à
800/1.000 de fin ; et l’argent au titre des " esterlings "
anglais, monnaie la plus estimée à cette époque,
titre qui correspond à 917/1.000 de fin. Philippe le Hardi, 29 décembre
1275, fixe le titre de l’argent à 11 deniers 12 grains, soit
957/1.000 ; et ordonne que pour le poinçonnage, non seulement
chaque orfèvre ait sa marque spéciale, mais que tout
ouvrage fabriqué soit porté à l’hôtel
commun et marqué du sceau de la ville [Ordonnance de Philippe le Hardi, année
1275, et de Charles V, année 1378. — NDLA.] ou du sceau de la communauté par un
orfèvre " juré [À Lyon, le poinçon de la ville
portait un lion couronné, et la lettre D. Les poinçons
particuliers figuraient sur une plaque déposée à
l’hôtel de ville. Archives municipales, BB 242. — NDLA.] ". Au XVIe
siècle, une mesure nouvelle est prise : c’est la mesure
fiscale. Charles IX, en 1579, frappe d’un impôt de trois sols
par once [La livre poids se
subdivisait en 2 marcs, chaque marc en 8 onces, chaque once en 8
gros, chaque gros en 3 deniers, chaque denier en 24 grains. On admet
qu’une livre poids de 16 onces correspond à 489 grammes et par
conséquent un marc à 245 grammes. L’once
équivaut à 30,5 grammes. — NDLA.] tout ouvrage d’or ou d’argent. Ses successeurs,
ayant là une source de revenus, songent à
l’accroître, et à assurer la perception du droit en
créant des officiers spéciaux [Voir les ordonnances de 1628, 1631, 1674. —
NDLA.]. La liberté de la profession
d’affineur est, d’autre part, supprimée, et défense est
faite d’affiner un lingot en dehors de l’hôtel des
monnaies. Mais jusqu’alors, il n’a
été question que des orfèvres [Les orfèvres, en raison de la grande
valeur de leurs produits, ont joué un rôle
considérable parmi les industries de luxe. Il y en a eu de
célèbres à Lyon du xive au
xviie siècle, comme l’a établi Natalis
Rondot, après de longues et savantes recherches,
les Orfèvres lyonnais du
xive au xviiie
siècle, Paris, 1885. —
NDLA.] ; auprès d’eux,
une autre corporation, celle des tireurs d’or et d’argent, s’est
constituée au xvie
siècle [Les premiers
statuts des tireurs, écacheurs d’or et d’argent sont de
l’année 1535. — NDLA.]. Le développement pris par leur industrie
sous l’impulsion du grand luxe des vêtements, qui demande
broderies, passementeries, galons, enjolivures, est attesté
par l’accroissement du nombre des maîtres : ils étaient
13 en 1583, et ils sont 80 lorsque de nouveaux statuts sont
accordés à la corporation en 1657. De plus, la
prospérité et les avantages de cette industrie sont
exposés par l’archevêque Camille de Neufville de
Villeroy dans sa correspondance avec Colbert [Correspondance administrative sous Louis XIV,
tome III. — NDLA.].
Il n’en fallut pas davantage
pour que le fisc, toujours besogneux, cherchât dans la
production des fils d’or et d’argent, comme dans celle des ouvrages
de " grosserie " et de " menuiserie ", un revenu
pour le trésor. Le tirage du métal étant
fait chez chaque maître au moyen d’une machine uniforme,
" l’argue ", le gouvernement s’empara de cet instrument de
travail. Une déclaration royale du 24 mai 1672 supprime les
argues particulières [Le
fermier de l’argue royale devait acheter les outils des tireurs
dépossédés, de manière à
indemniser ceux-ci. — NDLA.] et
crée un établissement officiel, dénommé
" argue royale ", dans lequel tout lingot, destiné
à être transformé en fils, sera porté et
travaillé aux frais et pour le compte du déposant. Le
droit d’argue est fixé à 20 sols par marc d’argent et
à 30 sols par once d’or. Aucun tireur d’or ou d’argent ne doit
désormais avoir, chez lui, forges, argues, filières,
outils propres à dégrossir et tirer les lingots.
En outre, défense est faite
(août 1672) à tout marchand de galons, passements,
boutons, broderies, d’employer des matières qui n’auraient pas
reçu la marque officielle. Pour assurer la perception des droits
de garantie et du droit d’argue, le gouvernement les joint, sous le
nom de " droit de marque [On le nommait aussi droit " de
seigneurie ". Ces droits ont été souvent
modifiés. Voir les arrêts, 15 avril 1673,
1er janvier 1678, 25 avril 1682. —
NDLA.] ", aux autres
contributions indirectes qui ont été affermées
sous le nom de " régie des aides ". Ainsi, dès le
xviie siècle, l’industrie de la dorure a son
organisation complète. Sa subdivision en deux branches est
légalement reconnue : l’une très importante, celle de
l’orfèvrerie, comprenant l’horlogerie et la bijouterie ;
l’autre plus modeste, celle des fils d’or et d’argent demandés
pour le tissage et la broderie [L’emploi des fils d’or et d’argent dans le
tissage et la broderie est aussi ancien que l’emploi des
métaux précieux dans la décoration des temples
et la confection des bijoux. Sans remonter très loin, on
rencontre dans la langue latine les adjectifs tunsile, netum, textile, appliqués au mot aurum pour
désigner l’or battu, filé et tiré. —
NDLA.]. Cette organisation est exposée
dans la grande ordonnance du 12 juillet 1681, qui est un code pour
les fermiers généraux, donnant la nomenclature
complète de tous les impôts qu’ils ont le droit de
percevoir [Ordonnance,
datée du 12 juillet 1681, pour servir de règlement sur plusieurs
droits des fermiers. — NDLA.].
Le chapitre relatif aux droits
de marque sur l’or et sur l’argent comprend dix-neuf articles.
L’article premier fixe la taxe à
3 livres par once d’or et à 40 sols par marc d’argent, pour
les métaux mis en œuvre par les orfèvres, les tireurs
d’or, les horlogers, etc. De plus, il y avait à acquitter des
droits de contrôle. C’est progressivement que le droit de
marque avait été augmenté. Il avait atteint le
taux énorme ici rappelé en février 1674.
L’article troisième autorise le
fermier à avoir un commis chargé de contremarquer avec
un poinçon spécial, nommé poinçon de
" décharge ", les ouvrages d’or et d’argent qui
auront été pris au bureau de contrôle et qui
auront acquitté le droit. Un autre poinçon, dit
poinçon de " charge ", pouvait être
appliqué (article huitième) sur un ouvrage non
achevé mais contrôlé, pour lequel le droit n’aura
pas été payé. L’article dixième défend
aux orfèvres, batteurs et tireurs d’or, et tous ouvriers en or
et en argent, de vendre des objets qui n’auraient pas
été poinçonnés, ou marqués,
suivant les prescriptions de la loi, dans le bureau de
contrôle. L’article douzième est ainsi
rédigé : " Voulons que, dans les villes où
il peut y avoir des tireurs d’or, il n’y ait qu’un seul lieu
où des forges et argues soient établies par le fermier
de nos droits. " " Seront tenus les tireurs d’or et
d’argent (art. XIV) d’en porter les lingots aux forges et argues des
fermiers généraux, pour y être forgés,
dégrossis et tirés en payant les façons au prix
ordinaire. " Défendons (art. XV) aux
tireurs d’or et d’argent d’en employer d’autre, pour leurs ouvrages,
que celui qui aura été tiré, forgé et
dégrossi dans les forges et argues du fermier de nos
droits. " En résumé, d’après
les prescriptions de cette importante ordonnance, l’acheteur trouve
dans des bureaux de garantie [Les hôtels de monnaies pouvaient,
d’après la loi, être utilisés comme bureaux de
garantie, mais ils étaient en très petit nombre. En
1717, on en compte seulement cinq : Paris, Rouen, Reims, Lyon,
Bordeaux. — NDLA.] (art. VI) sa
sécurité pour le titre des ouvrages d’or et d’argent,
puisque des marques et poinçons [Voir la
Garantie française et les poinçons, par de Cazeneuve, Alger, 1898. Cet ouvrage
renferme un tableau complet des poinçons qui ont
été utilisés après l’établissement
du contrôle. – L’ordonnance du 24 janvier 1749, qui rend
obligatoires les registres cotés et paraphés,
énonce un certain nombre de poinçons. — NDLA.],
tous variés, lui
indiquent l’origine, le titre, le paiement des droits. Il est
garanti, pour les fils d’or et d’argent, par l’obligation faite aux
tireurs d’avoir une marque déposée au greffe, et
d’employer seulement les forges et argues royales. Le nombre des bureaux de garantie
n’était pas limité, beaucoup de villes renfermant des
jurandes d’orfèvres ; mais des argues royales n’avaient
été établies qu’à Paris et à
Lyon. Au commencement du
xviiie siècle, notre cité
possède, outre l’hôtel des monnaies, un bureau de
garantie et des argues royales. Ces deux derniers
établissements publics fonctionnent sous la surveillance des
officiers des monnaies. Ils sont soumis, comme l’hôtel des
monnaies, à la juridiction de la cour des monnaies
[L’arrêt du conseil du roi
en date du 4 mai 1655 confirme la juridiction de tout ce qui concerne
l’art du tireur d’or, jurande, maîtrise, abus et
règlements, fonte et affinage, aux officiers de la cour des
monnaies et jurés gardes, privativement à tout autre
juge, avec défense au présidial, aux
prévôt des marchands et échevins d’en prendre
connaissance. – Le consulat, qui avait la direction et la
surveillance de tous les corps de métiers, fut toujours
tenté d’empiéter sur les droits accordés
à la cour des monnaies en ce qui concerne les jurandes des
industries d’or et d’argent. Voir, Archives, BB 258, un conflit en 1699 entre le consulat et
la cour des monnaies. — NDLA.]. Quel est leur fonctionnement ? Dans le bureau de garantie, on
procède à deux opérations distinctes. L’une
consiste à essayer les ouvrages fabriqués, et à
les poinçonner conformément à leur titre
contrôlé. L’autre consiste à
" affiner " les lingots en présence des officiers
des monnaies, c’est-à-dire à séparer les
métaux communs et à former des blocs d’or ou d’argent
pur, qui sont rendus au déposant. Les affineurs [Des détails fort intéressants sur
les procédés d’extraction des métaux et de
l’affinage se trouvent dans l’ouvrage, plein d’érudition,
Monnaies, Médailles et
Bijoux, par Riche, membre de
l’Institut, Paris, 1889. — NDLA.] doivent (ordonnance d’octobre 1689) travailler
l’or au titre minimal de 23 carats 26/32 (992/1 000) et l’argent au
titre minimal de 11 deniers 18 grains (980/1 000). L’orfèvre emporte les lingots
affinés. Il a l’habitude de faire des alliages : il peut
employer (ordonnance de 1586) l’or au titre de 22 carats avec 1/4 du
remède [Le titre de 19
carats, primitivement fixé pour l’or industriel, avait
été élevé par François
Ier, en 1540, à 23 carats 3/4. Il fut
ramené par Henri II à 22 carats, et maintenu tel dans
les ordonnances de 1586 et 1679. — NDLA.], et l’argent au titre de 11 deniers 12 grains
avec remède de 2 grains. Le batteur [Les statuts des batteurs d’or sont de 1718. –
Un mémoire, non daté, qui se trouve aux archives
départementales, dit que les batteurs étaient
autorisés à faire des feuilles au titre de 22 carats
pour être appliquées sur le laiton et le cuivre ; et
même des feuilles à 18 carats (soit 750/1 000)
destinées aux reliures de livres. — NDLA.] doit, d’après l’ordonnance de 1586,
employer l’or à 24 carats, remède 1/4, et l’argent
à 12 deniers avec remède 4 grains ; il se borne donc
à transformer chez lui les lingots affinés en feuilles
minces d’une grandeur uniforme et de même épaisseur qui
sont livrées à la consommation. Le tireur n’a aucun travail à
exécuter. Le lingot d’argent affiné, qui
doit être étiré, est remis aux argues royales
[L’obligation de porter aux
argues royales tous les lingots d’argent qui sont destinés
à être étirés a été
confirmée par la déclaration royale du 7 mai 1725. —
NDLA.] : son titre est de 11
deniers 18 grains (soit 980/1 000) ; un faible alliage de cuivre est
nécessaire pour rendre l’argent plus malléable et plus
ductile. Ce lingot est d’abord dégrossi
et forgé, c’est-à-dire qu’à l’aide de la forge
et du marteau, il est fractionné en bâtons cylindriques
qui ont uniformément une longueur de 60 à 70
centimètres et un diamètre d’environ 6
centimètres. Chaque bâton, effilé
à une extrémité, est introduit dans un trou de
filière, saisi avec des tenailles qui sont fortement
fixées à un câble, et étiré au
moyen de " l’argue [Le mot
" argue " vient de l’italien argana. Ducange, dans son dictionnaire,
énumère, outre ces mots, l’espagnol argano, le
latin arganum. L’origine de ces noms paraît être le
grec organon. – La machine a donné son nom à
l’établissement officiel où elle fonctionnait. —
NDLA.] ", cabestan autour
duquel le câble s’enroule. Le bâton, aminci et
allongé, est passé de nouveau dans un autre trou plus
étroit. Puis la même opération se
répète, et, les trous de la filière diminuant
progressivement de diamètre, le bâton, à la fin
de l’opération du tirage, peut être réduit
à un fil qui a un demi-centimètre de diamètre.
C’est en cet état qu’il est, sous le nom de
" trait ", rendu au tireur propriétaire du lingot.
Toutefois l’opération peut être arrêtée
plus tôt, suivant la grosseur du trait que le tireur
désire avoir pour sa vente. On distingue par des noms
différents ce que l’on peut nommer les étapes de
l’étirage. La filière aux trous les plus larges,
dénommée " ras ", forme la première
étape, qu’on appelle " dégrossissage ". La
filière suivante, dénommée
" prégaton ", donne la seconde [sic] étape, dite
" déprimage ". La troisième filière,
nommée " demi-prégaton ", donne la
troisième étape, dite " avançage ",
etc. Les traits eux-mêmes avaient des
noms et des marques indiquant leur grosseur : " gaze P ",
" toque prime 2 P ", " apoint 3 P 1/2 ",
" superfin 4 P ". Le sens de la lettre P n’est pas connu :
on peut supposer qu’il indique le " passage " dans les
filières, qui seraient désignées par les
numéros [Ces noms des
traits se rencontrent dans l’ordonnance du 22 mai 1686, et
reparaissent souvent dans les arrêts de la cour des monnaies. –
L’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon a,
dans sa séance du 15 janvier 1782, entendu un rapport sur des
inventions d’un sieur
Charmy que le consulat
lui avait demandé d’apprécier, inventions relatives
à l’art du tireur d’or. Cet inventeur, qui a fait paraître un mémoire
descriptif, en 1785, a eu de vifs débats avec la
communauté. Voir Bibliothèque Coste, n° 10843. — NDLA.]. Le lingot d’or n’est pas
étiré : ce que l’on nomme " fil d’or " est,
en réalité, un trait d’argent doré. On dore,
avant l’étirage, le bâton d’argent, en le recouvrant de
feuilles d’or qui sont retenues à l’aide de bandes de toile.
La soudure des deux métaux est obtenue par l’action d’une
forte chaleur à laquelle le bâton doré est soumis
dans la forge, puis par le polissage qu’on pratique avec un corps
dur, tel qu’un silex. Les trous des filières exigent
une grande surveillance. Ils se déforment facilement : il faut
souvent les " accoutrer [On
nomme " accoutrage " la réparation des
filières. — NDLA.] ". Les traits métalliques, argent
doré et argent, tels qu’ils sont livrés par
l’établissement des argues royales, n’ont qu’un emploi
très restreint [Les fils
métalliques servent à la fabrication des paillettes et
des cannetilles. On en emploie aussi dans quelques passements et
broderies. — NDLA.]. La
consommation générale demande sous les noms de fils
d’or et d’argent de véritables " filés "
composés d’un textile [Règlements de l’année 1657,
article VIII. — NDLA.] enveloppé d’une lame métallique
très mince. Les tireurs d’or et d’argent peuvent fabriquer ces
filés dans leurs ouvroirs ou les faire fabriquer au-dehors
[Voir un arrêt de la cour
des monnaies du 20 septembre 1688 : à la suite de conflits
entre les tireurs d’or et les guimpiers, défense est faite aux
tireurs d’or de donner du travail hors de leur ouvroir, et aux
guimpiers d’écacher pour d’autres ouvrages que les leurs. —
NDLA.] ; mais d’autres
industriels, fabricants d’étoffes, guimpiers [La corporation des guimpiers, gazetiers,
écacheurs et filateurs a des statuts datés du 21 juin
1668. — NDLA.], gazetiers,
passementiers, sont autorisés également à
fabriquer des filés. Cette fabrication comprend deux
opérations : " l’écachage " et le
" moulinage ". L’écachage est l’aplatissement
du trait passant dans un " laminoir " qui est
composé de deux meules en acier trempé,
d’inégale grandeur, superposées dans un plan vertical.
La pression plus ou moins forte exercée sur les roues
détermine l’épaisseur de la lame d’argent ou d’argent
doré ; la courbure des roues, qui ont leurs bords
bombés, détermine la largeur de la lame. Dans cette
opération, le trait, qui était mat, devient une lame
brillante. Les rubans métalliques,
enroulés sur des roquetins, sont portés à un
" rouet " où préalablement ont
été placées des bobines chargées de soie.
Le fil soyeux est mis en mouvement ; et, à mesure qu’il se
déroule, entraîne la lame, qui, par suite d’une vive
rotation imprimée aux roquetins, enveloppe la soie
[On nomme
" cueilleux " les roquets sur lesquels s’enroulent les
filés. — NDLA.]. On
varie l’aspect des filés en modifiant la combinaison des
textiles, la largeur ou la torsion des lames. Cette dernière opération,
moulinage de la lame d’argent sur un textile, offrait de grandes
difficultés. Aussi, les filés milanais étant
réputés les plus beaux, les autorités lyonnaises
s’efforcent-elles d’introduire à Lyon la fabrication de l’or
filé à la façon de Milan [Le premier essai, à Lyon, du
procédé milanais est mentionné en 1551.
Archives, BB 72. — NDLA.]. La correspondance de l’archevêque Camille
de Neufville de Villeroy avec Colbert [Lettres des 1er
novembre 1667, 14 septembre 1668, 20 novembre 1669, Correspondance administrative sous Louis XIV,
tome III. — NDLA.]
montre combien était
jugé important ce perfectionnement auquel Louis XIV et la
reine s’intéressent eux-mêmes [Le roi, ayant à accorder à un
nommé Claustrier un office sollicité, lui impose
d’établir à Lyon une fabrique où l’or sera
filé à la milanaise ; Archives, BB 224. Voir aussi, pour ce fait,
Bibliothèque Coste,
n° 10711. —
NDLA.]. Ernest Pariset. Ancien fabricant de
soieries. A. Rey, imprimeur de
l’Académie, Lyon, 1903. In La gazette de l'île Barbe n° 48