La maison de tissus Jaillard


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Le 7 juillet 2000.

En 1992, le musée de Fourvière organisait une exposition " Tissus lyonnais et Art sacré ". J’ai pensé qu’il serait peut-être intéressant pour la Gazette de vous livrer quelques pages tirées de l’ouvrage Paramentica, édité à l’occasion de cette manifestation [Bernard Berthod et Élisabeth Hardouin-Fugier, Paramentica, tissus lyonnais et art sacré, 1800-1940, Musée de Fourvière, Lyon, 1992. — NDLR.], et consacrées à la maison Jaillard.

La photo jointe [non reproduite ici. — NDLR.] représente les deux faces de la chasuble dite " de Léon XIII ". Elle reproduit une photographie d’époque – en sépia, manuscrite de Louis. Le musée ne possédant que la vue du dos, je lui ai donné la photo des deux faces, que mon père Léon avait recueillie au décès de Camille.

Julien Jaillard.

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Fabricants lyonnais, liste indicative

Jaillard, maison fondée en 1768.
Jaillard tante et neveu, Pierre, vers 1812-vers 1850.
Jaillard Louis père et fils, 1858-1897.
Jaillard, Bozon R. et Charvet, 1898-1900.
Charvet G., 1901-1921.
Charvet J., 1922-1933.
Maison J. Charvet, SARL, 1934-1940.

 

Vers 1812 : rue Lafont.
Vers 1842-1850 : 12, rue Lafont.
1858-1861 : 4, rue Lafont.
1862-1870 : 12, rue Impériale.
1871-1878 : 12, rue de Lyon.
1879-1894 : 12, rue de la République.
1895-1903 : 11, rue Pizay.
1904-1940 : 4, rue Sainte-Catherine.
 
Téléphone à partir de 1927.

 

Fabricants de dorures, tréfilage, tirage d’or, passementeries et broderies, soie, or, argent pour ornements d’église et articles militaires. Fabricants de soieries, étoffes pour ornements d’église. 

 

Chantal Moulin.

Op. cit., p. 102.

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Catalogue : maison Jaillard

Maison fondée en 1768. La raison sociale devient "Jaillard Louis, père et fils" en 1858 jusqu’en 1897 ; puis " Jaillard, Bozon & Charvet ". La maison Charvet fermera en 1940.

[Louis] Jaillard s’intéresse très tôt au courant archéologique. Outre " le pontifical aux anges ", nous connaissons de lui deux dais, l’un pour Fourvière, l’autre pour la Primatiale, en soie grenat et broderie d’or, dont le dessin a été conçu par Sainte-Marie Perrin, en 1889. En 1888, [Louis] Jaillard est nommé chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand.

Pontifical aux anges,
Tony Desjardins, 1855, en collaboration avec Bouvard & Lançon

Exposition : 1855, Paris, exposition universelle.

 

Bibliographie :

– J. Roux, " Vêtements sacerdotaux de style Moyen Âge ", in Revue du Lyonnais, Lyon, 1855, p. 425-426 ;

– A. Dancel, " l’ecclésiologie à l’Exposition ", in Annales archéologiques, 1855, tome XV, p. 388-389.

 

Ce pontifical comprend une chasuble, deux dalmatiques et un pluvial. La réalisation a demandé le concours de plusieurs spécialistes. Louis Jaillard demande à l’architecte Tony Desjardins le dessin du tissu et des orfrois. Le tissu est tissé par Bouvard, les broderies sont exécutées dans l’atelier de Lançon.

Les divers éléments sont taillés dans un drap d’or façonné spécialement. Il présente des médaillons hexalobés à fond bleu foncé, enchâssant un des quatre archanges, se répétant à l’infini. Chaque archange porte son nom sur un phylactère. Les médaillons sont reliés entre eux par une résille de rinceaux. Ce tissu a été distingué par Dancel à l’exposition universelle de 1855. " MM. Bouvard et Lançon, de Lyon, ont reçu de M. Desjardins, architecte, le dessin d’une étoffe fond or, à rinceaux verts, portant les quatre archanges or brodé de rouge dans des six-lobes de même, à fond bleu. "

Tissu

Lampas lancé broché fond drap d’or reposant sur satin, soie polychrome, frisé or, filé or, lame or.

 

Lyon, musée de Fourvière.

Don [de] Michel Descours.

Chasuble

Orfrois broderie au passé de soie polychrome, filé or. Galon façonné soie et filé or.

137 cm x 128 cm.

 

La chasuble est de forme ample sans former un disque complet. Le décor du tissu se suffit à lui-même pour rendre un effet de richesse. Seules deux bandes d’orfroi séparent verticalement la face et le dos. Cet orfroi est brodé de figures en pied, s’inscrivant sous un édicule gothique. Par devant, ce sont l’évangéliste Jean, l’évêque de Smyrne, Polycarpe, et l’évêque de Lyon, Pothin. Par derrière, de haut en bas, on voit l’évêque de Lyon, Irénée, Alexandre et Blandine, tous trois martyrisés en 177. L’étole et le manipule sont entièrement brodés.

L’iconographie de cette chasuble, destinée au cardinal de Bonald, affirme l’antiquité et la quasi-apostolicité du siège primatial des Gaules ainsi que sa grandeur, baignée du sang des martyrs. Irénée succède à Pothin, lui-même envoyé par Polycarpe, lui-même désigné par Jean comme évêque de Smyrne, tout près d’Éphèse. Cette représentation fréquente à Lyon a toujours rencontré beaucoup de succès auprès des archevêques.

Dalmatique

Lampas lancé broché fond drap d’or reposant sur satin, soie polychrome, frisé or, filé or, lame or. Galon façonné soie rouge et filé or, motif géométrique rouge.

111 cm x 138 cm.

 

La forme de la dalmatique et de la tunique témoigne de la recherche archéologique sur les anciens vêtements du diacre. Les dalmatiques qui sont parvenues jusqu’à nous ont de véritables manches, ainsi celle de Charlemagne, conservée au trésor capitulaire de Saint-Pierre au Vatican. Les manches fermées et la longueur retrouvée donnent à ce vêtement, lorsqu’il est porté, beaucoup d’élégance. On peut regretter peut-être l’addition du traditionnel col " à la lyonnaise ", dont la forme aurait pu être renouvelée.

Aucune broderie ne vient s’ajouter au décor du tissu, qui se suffit à lui-même. Les manches sont bordées d’un galon à zigzag or sur fond rouge, à franges. Le même galon limite la bande verticale.

Pluvial

Le chaperon est sur-brodé d’une croix accostée des lettres A et ?. Il ne plaît pas à Dancel, qui aurait préféré " le capuchon de l’ancien pluvial, au lieu de la petite retonde sans usage qu’on lui a donné. "

 

Lyon, primatiale Saint-Jean-Baptiste.

Chasuble de Léon XIII, 1887

Photographie d’époque, 32 x 24 cm.

La chasuble n’a pas été retrouvée.

 

Expositions :

– 1887, Lyon, exposition du jubilé pontifical ;

– 1888, Rome, espozitione Vaticana.

 

Bibliographie :

– L. de Farcy, Broderies…, tome I, p. 141, n° 2 ;

Écho de Fourvière, Lyon, 1887, p. 80, 505 et 517 ;

RHDL, op. cit., 1887, p. 350.

 

Inscription : Ecce Vicit Leo De Tribu Juda [" Voici, il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda… " (Ap, V, 5). — NDLR.] / Leoni XIII Lugd. / Euntes Docete.

 

Cette chasuble a été conçue pour Léon XIII à l’occasion de son jubilé. Elle lui a été remise en décembre 1887, par l’archevêque Joseph Foulon, accompagné de M. [Louis] Jaillard, qui recevra, en remerciement, la croix de Saint-Grégoire-le-Grand. Le pape l’a portée le 5 janvier 1888, à l’occasion de la messe du pèlerinage italien. Il a assuré les donateurs qu’il la garderait pour son usage personnel, à la différence des nombreux dons que Léon XIII s’est plu à redistribuer à toutes les églises cathédrales du monde.

 

La chasuble est de forme romaine, brodée or et soies sur fond blanc. Les broderies sont exécutées par Mme Lapierre, le visage du Christ est une broderie à l’aiguille de Mme Leroudier.

Le sujet a été conçu par l’architecte Charles Franchet. Le tau de devant est occupé par l’Agneau mystique, couché sur le livre aux sept sceaux qu’accompagne le verset de l’Apocalypse : Ecce vicit… Au bas, le lion héraldique de la ville supporte un cartouche portant la dédicace : Leoni XIII Lugd. Le sujet est bordé par les quinze dizaines de perles d’un rosaire. La large bande du dos porte une figure du Christ, debout, bénissant et portant le globe. À ses pieds coulent les quatre fleuves du paradis. Son nimbe crucifère est entouré d’épis de blé et de pampres. Sous la composition est ménagé un cartouche pour les armes du pape. Des rinceaux brodés occupent le champ de part et d’autre des compositions centrales.

Le sujet est simple et classique. D’un côté, près de l’autel, l’Agneau immolé et rédempteur, de l’autre, le Christ Pantocrator, surmontant les armes du pape régnant. Charles Franchet se renouvelle peu, le mouvement archéologique ne semble pas l’avoir intéressé : à dix-huit ans de distance, la forme de la chasuble et la figure du Christ restent très proches de celles de la chasuble du concile.

 

Lyon, bibliothèque de l’université catholique, fonds Bégule.

Martine Chavent et Bernard Berthod.

Op. cit., p. 174-179.   

In La gazette de l'île Barbe n° 48 

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