Départ à l’heure, mais
très vite, nous nous apercevons que l’avion a du mal à
prendre de la hauteur et qu’il n’arrive pas à rentrer ses
ailerons. Alors que nous admirons le Cotopaxi (plus de 6 000
mètres), on nous annonce que des ennuis techniques nous
forcent à rentrer à Quito. Demi-tour donc (7 h 20) et
une heure d’attente dans l’avion ! Enfin, on nous transborde dans un
autre avion et nous arrivons à Cuenca sans encombre mais avec
deux heures de retard. Nous louons une voiture à
l’aéroport et nous partons à la recherche du
musée de la Culture
aborigène, qui a
déménagé ! Nous le trouvons dans son nouveau
site ; les objets sont mis en place mais pas encore installés
définitivement. Il s’agit d’un musée privé. Les
pièces ont été rassemblées par un
professeur d’histoire de la faculté de Quito. Ce musée
est remarquable, très riche. Cinq mille pièces de
toutes les cultures indiennes et de toutes les périodes y ont
été réunies. Parmi les objets marquants : les
fameuses pierres musicales, une sculpture de maïs en pierre, la
fameuse petite vénus de la culture valdivia, de nombreuses
céramiques tripodes, des monnaies en coquillage, une suite de
petites figurines sur l’amour (l’érotisme, le penseur, la
femme enceinte, l’accouchement, l’allaitement, etc.), de très
nombreuses poteries zoomorphes, des tampons pour orner, des sceaux,
des colliers en albâtre et jade, une amphore inca, des pinces
à épiler, de grandes urnes funéraires où
l’on reposait en position fœtale, etc. Nous achetons quelques
souvenirs. Nous cherchons un restaurant, car il
est l’heure. Nous trouvons enfin un Pizza Hut ! Original ! Aliénor est heureuse de
profiter des jeux d’extérieur. Puis nous traînons un peu dans la
ville coloniale. C’est la troisième ville du pays,
située au fond d’une riche vallée. C’est l’ancienne
résidence de l’empereur inca Huyana Capac, mais le charme de
la ville réside dans son architecture, qui date de sa
fondation par les Espagnols. La ville est propre et vivante, ses
habitants sont souriants ; les maisons coloniales y
prédominent encore, avec leurs balcons de bois, leurs
façades ornées de stuc et leurs cours
intérieures, qui sont parfois de magnifiques patios. Les rues
aux pavés mal ajustés ajoutent au charme de la
ville. L’an dernier, l’UNESCO l’a inscrite au
patrimoine mondial de l’humanité. C’est dans cette région que l’on
fabrique le fameux " chapeau de Panama ". Nous visitons la " cathédrale neuve ".
On a mis près de cent
ans à la construire en pierre rose, dans un style
néogothique. Elle est assez massive et imposante. On dit
qu’elle ne fut jamais achevée parce que ses fondations
n’auraient pas pu soutenir l’ensemble ! En prenant un peu de recul,
on peut découvrir le dôme et les jolies coupoles bleues.
L’intérieur, avec sa nef unique, présente peu
d’intérêt. De l’autre côté de la
place, on devine l’ancienne
cathédrale, fermée et en restauration. Mais c’est de
la tour de celle-ci que [La] Condamine détermina l’arc du
méridien. La place présente un bel
ensemble architectural. Nous visitons aussi l’église Saint-Dominique,
sans grand
caractère. Puis nous nous en allons dans
la montagne, vers l’ouest, non sans admirer les vieilles
maisons surplombant la rivière : le río Tomebamba. Étienne pensait nous faire
dormir dans une petite auberge en pleine montagne,
complètement isolée. Mais la place est occupée
par l’évêque du coin et plusieurs de ses prêtres.
Nous continuons jusqu’au col, qui est à 4 200 mètres.
Le paysage est de la couleur de ce que j’ai pu voir en avion :
montagnes marron, couvertes d’une herbe si dure qu’aucun animal n’en
veut, mais abondante à cause de la pluie… que nous n’avons pas
eue. Arrêt au col pour aller
jusqu’à un petit lac bien sympathique (vingt minutes de
marche). En reprenant la route, toujours vers
Guayaquil, nous trouvons " une maman lama " bien
ennuyée d’avoir quitté son champ entouré de fils
de fer barbelés alors que son petit y est toujours. Nous les
prenons en photo, mais elle a failli se faire écraser par une
voiture lorsqu’elle s’est affolée en partant au milieu de la
route. Le ciel est couvert, comme toujours
paraît-il dans cette région, mais soudain, en continuant
notre route, au détour d’un lacet, nous découvrons un
ciel bleu magnifique : nous arrivons vers la zone
côtière de Guayaquil, mais une barrière de nuages
sépare les deux côtés et Étienne nous dit
qu’il est quelquefois difficile de traverser cette zone de nuages
tant elle est épaisse et basse. Mais nous faisons demi-tour,
car il faut que nous trouvions un hébergement à
Cuenca. Nous prenons quelques photos et
repartons vers Cuenca, respirant toujours l’horrible fumée
noire qui s’échappe de tous les véhicules mais surtout
des camions et des autocars. Heureusement, la route est large et on
double facilement, à droite s’il le faut ! Nous couchons à l’hôtel de
la Pasada del ángel.
Très beau patio fleuri.
Étienne et Aliénor ont une chambre à trois lits
et moi à deux lits en bas plus un autre dans la mezzanine !
Les deux chambres avec tout le confort de chez nous, mais avec un
ameublement ancien : boiseries nombreuses, etc. Mais nos chambres
donnent sur la rue et, moi qui dors toujours fenêtre ouverte,
je peux profiter de tous les bruits de la nuit : coups de frein, bus
à l’arrêt sous ma fenêtre pendant dix minutes, le
temps de récupérer et de faire monter un type
complètement ivre… ou blessé, discussions
variées… De plus, le dîner était
plus copieux que nous ne l’aurions voulu : soupe à l’avocat et
énorme truite… La nuit n’a pas été facile avec
un estomac aussi chargé ! Difficile de trouver l’heure des messes
! L’hôtelier me dit sans hésitation que c’est à 7
heures, 8 heures et 9 heures à la cathédrale et qu’il
n’y en a pas dans les autres églises. Je pars donc pour 8
heures à la cathédrale. En passant devant
l’église du Cénacle, je vois la porte ouverte et
j’entre. C’est la fin de la messe de 7 heures. Je continue vers la
cathédrale, et je vois les gens sortir d’une messe. Je
m’installe à 7 h 50. J’attends 8 h 05. Rien… Je repars donc au
Cénacle, où commençait la messe de 8 heures
! Je rentre à l’hôtel et je
retrouve Étienne et Aliénor devant leur petit
déjeuner. Neuf heures trente. Départ en
voiture pour Ingapirca, au nord, où sont les plus importantes
ruines inca de l’Équateur. Sur la route, nombreuses scènes
de vie étonnantes : des petits cochons noirs, que l’on voit
dans les champs deci-delà, sont tués et grillés
au bord de la route devant les maisons, offerts ainsi aux
automobilistes qui ont envie d’un peu de lard grillé (les
Équatoriens en raffolent) ou d’un morceau de viande à
déguster sur place. Les paysages sont très
variés : on passe de régions sèches avec yuccas,
sisal, eucalyptus, de couleur beige, à des régions
très humides, de couleur verte, avec beaucoup d’eucalyptus, de
conifères de toutes sortes. Les habitants délimitent
leur terrain avec de petits bâtons qui prennent aussitôt
racine ! Dans ces régions, on voit
beaucoup de femmes en jupes et en chapeaux, soit en feutre noir, soit
en paille (panama). Nous déjeunons dans un petit
restaurant : Étienne semble reconnaître les restaurants
" sans risques " mais il paraît que les
Équatoriens sont très propres ; de plus, ils ont eu il
y a quelques années l’expérience du choléra et
depuis font encore plus attention. Le menu est encore une truite
(énorme) avec frites et légumes crus, plus café.
Le tout pour 25 francs ! À Ingapirca : vestiges inca importants avec ces pierres
bosselées, admirablement emboîtées et
lissées complètement. Il reste quelques portes
trapézoïdales. Le site est imposant et pas
entièrement identifié. La ruine la plus importante est
appelée " la forteresse ", mais on pense qu’il
s’agit plutôt d’un centre cérémoniel. Ingapirca
fut édifié en 1500 dans un site superbe et
majestueux. L’adoratorio (ou castillo)
mesure 38 mètres sur 14. Il est de forme ovale pour rappeler
l’orbite de la Terre vers le Soleil ; et il est orienté d’est
en ouest (la course vers le soleil). À gauche de la forteresse, on
trouve l’Ingachungana, lieu de cérémonie en forme de
baignoire. De profondes rigoles servaient probablement à
écouler les eaux de pluie, et le sang des sacrifices.
Le musée complète bien la visite. On y trouve un
plan en français réalisé par la mission
géodésique en 1736, des petites statues, des morceaux
de textiles précolombiens dans un état exceptionnel,
des objets en cuivre, des outils en pierre, etc. Puis retour à Cuenca, mais
quelle conduite ! Il faut doubler à droite, doubler dans les
virages pour éviter d’être asphyxiés par les
camions et autobus, éviter les automobilistes, qui ne
regardent jamais dans leur rétroviseur. Arrivée
à 16 h 30 à Cuenca. Glace à l’italienne
(énorme), puis repos jusqu’à 18 heures. Dîner au café-restaurant
comme la veille : soupe à l’oignon et banana split ! C’est encore énorme ! Coucher à
21 heures. Beaucoup de bruit dans l’hôtel jusqu’à 22
heures. Lever à 6 heures car l’avion est
à 8 heures. Petit déjeuner complet avec jus de goyave.
Nous rendons l’auto et nous faisons la queue à
l’aéroport pour l’enregistrement. Enfin, nous attendons dans
la salle d’embarquement. Nous attendrons longtemps, car l’avion qui
devait nous prendre et qui arrive de Quito a atterri à
Guayaquil à cause du plafond, trop bas à Cuenca ! Nous
partons finalement à 10 h 30. Il ne faut jamais être
pressé en Équateur, et surtout ne pas faire de projets
précis… Peu de visibilité, sauf au départ et
à l’arrivée. L’après-midi, nous prenons un
taxi pour aller faire des achats
en ville, mais je trouve que
c’est très cher ! Un beau pull en
alpaga vaut 112 dollars, soit 700 francs. Je me contente d’une
écharpe de laine d’alpaga pour Henri ! (Il me dit toujours que
ça tient aussi chaud qu’un pull !) À
suivre. Odile Jaillard.
In La gazette de l'île Barbe n° 52