Voyage en Équateur

19 août – 1er septembre 2002

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Samedi 24 août [2002]

Le taxi vient nous chercher à 5 h 15 pour un départ par avion à 6 h 45 vers Cuenca, sur la cordillère, à 300 kilomètres au sud de Quito.

Départ à l’heure, mais très vite, nous nous apercevons que l’avion a du mal à prendre de la hauteur et qu’il n’arrive pas à rentrer ses ailerons. Alors que nous admirons le Cotopaxi (plus de 6 000 mètres), on nous annonce que des ennuis techniques nous forcent à rentrer à Quito. Demi-tour donc (7 h 20) et une heure d’attente dans l’avion ! Enfin, on nous transborde dans un autre avion et nous arrivons à Cuenca sans encombre mais avec deux heures de retard.

Nous louons une voiture à l’aéroport et nous partons à la recherche du musée de la Culture aborigène, qui a déménagé ! Nous le trouvons dans son nouveau site ; les objets sont mis en place mais pas encore installés définitivement. Il s’agit d’un musée privé. Les pièces ont été rassemblées par un professeur d’histoire de la faculté de Quito. Ce musée est remarquable, très riche. Cinq mille pièces de toutes les cultures indiennes et de toutes les périodes y ont été réunies.

Parmi les objets marquants : les fameuses pierres musicales, une sculpture de maïs en pierre, la fameuse petite vénus de la culture valdivia, de nombreuses céramiques tripodes, des monnaies en coquillage, une suite de petites figurines sur l’amour (l’érotisme, le penseur, la femme enceinte, l’accouchement, l’allaitement, etc.), de très nombreuses poteries zoomorphes, des tampons pour orner, des sceaux, des colliers en albâtre et jade, une amphore inca, des pinces à épiler, de grandes urnes funéraires où l’on reposait en position fœtale, etc. Nous achetons quelques souvenirs.

Nous cherchons un restaurant, car il est l’heure. Nous trouvons enfin un Pizza Hut ! Original ! Aliénor est heureuse de profiter des jeux d’extérieur.

Puis nous traînons un peu dans la ville coloniale. C’est la troisième ville du pays, située au fond d’une riche vallée. C’est l’ancienne résidence de l’empereur inca Huyana Capac, mais le charme de la ville réside dans son architecture, qui date de sa fondation par les Espagnols.

La ville est propre et vivante, ses habitants sont souriants ; les maisons coloniales y prédominent encore, avec leurs balcons de bois, leurs façades ornées de stuc et leurs cours intérieures, qui sont parfois de magnifiques patios. Les rues aux pavés mal ajustés ajoutent au charme de la ville.

L’an dernier, l’UNESCO l’a inscrite au patrimoine mondial de l’humanité.

C’est dans cette région que l’on fabrique le fameux " chapeau de Panama ".

Nous visitons la " cathédrale neuve ". On a mis près de cent ans à la construire en pierre rose, dans un style néogothique. Elle est assez massive et imposante. On dit qu’elle ne fut jamais achevée parce que ses fondations n’auraient pas pu soutenir l’ensemble ! En prenant un peu de recul, on peut découvrir le dôme et les jolies coupoles bleues. L’intérieur, avec sa nef unique, présente peu d’intérêt.

De l’autre côté de la place, on devine l’ancienne cathédrale, fermée et en restauration. Mais c’est de la tour de celle-ci que [La] Condamine détermina l’arc du méridien.

La place présente un bel ensemble architectural.

Nous visitons aussi l’église Saint-Dominique, sans grand caractère.

Puis nous nous en allons dans la montagne, vers l’ouest, non sans admirer les vieilles maisons surplombant la rivière : le río Tomebamba.

Étienne pensait nous faire dormir dans une petite auberge en pleine montagne, complètement isolée. Mais la place est occupée par l’évêque du coin et plusieurs de ses prêtres. Nous continuons jusqu’au col, qui est à 4 200 mètres. Le paysage est de la couleur de ce que j’ai pu voir en avion : montagnes marron, couvertes d’une herbe si dure qu’aucun animal n’en veut, mais abondante à cause de la pluie… que nous n’avons pas eue.

Arrêt au col pour aller jusqu’à un petit lac bien sympathique (vingt minutes de marche).

En reprenant la route, toujours vers Guayaquil, nous trouvons " une maman lama " bien ennuyée d’avoir quitté son champ entouré de fils de fer barbelés alors que son petit y est toujours. Nous les prenons en photo, mais elle a failli se faire écraser par une voiture lorsqu’elle s’est affolée en partant au milieu de la route.

Le ciel est couvert, comme toujours paraît-il dans cette région, mais soudain, en continuant notre route, au détour d’un lacet, nous découvrons un ciel bleu magnifique : nous arrivons vers la zone côtière de Guayaquil, mais une barrière de nuages sépare les deux côtés et Étienne nous dit qu’il est quelquefois difficile de traverser cette zone de nuages tant elle est épaisse et basse. Mais nous faisons demi-tour, car il faut que nous trouvions un hébergement à Cuenca.

Nous prenons quelques photos et repartons vers Cuenca, respirant toujours l’horrible fumée noire qui s’échappe de tous les véhicules mais surtout des camions et des autocars. Heureusement, la route est large et on double facilement, à droite s’il le faut !

Nous couchons à l’hôtel de la Pasada del ángel. Très beau patio fleuri. Étienne et Aliénor ont une chambre à trois lits et moi à deux lits en bas plus un autre dans la mezzanine ! Les deux chambres avec tout le confort de chez nous, mais avec un ameublement ancien : boiseries nombreuses, etc. Mais nos chambres donnent sur la rue et, moi qui dors toujours fenêtre ouverte, je peux profiter de tous les bruits de la nuit : coups de frein, bus à l’arrêt sous ma fenêtre pendant dix minutes, le temps de récupérer et de faire monter un type complètement ivre… ou blessé, discussions variées…

De plus, le dîner était plus copieux que nous ne l’aurions voulu : soupe à l’avocat et énorme truite… La nuit n’a pas été facile avec un estomac aussi chargé !

Dimanche 25 [août 2002]

Difficile de trouver l’heure des messes ! L’hôtelier me dit sans hésitation que c’est à 7 heures, 8 heures et 9 heures à la cathédrale et qu’il n’y en a pas dans les autres églises. Je pars donc pour 8 heures à la cathédrale. En passant devant l’église du Cénacle, je vois la porte ouverte et j’entre. C’est la fin de la messe de 7 heures. Je continue vers la cathédrale, et je vois les gens sortir d’une messe. Je m’installe à 7 h 50. J’attends 8 h 05. Rien… Je repars donc au Cénacle, où commençait la messe de 8 heures !

Je rentre à l’hôtel et je retrouve Étienne et Aliénor devant leur petit déjeuner.

Neuf heures trente. Départ en voiture pour Ingapirca, au nord, où sont les plus importantes ruines inca de l’Équateur.

Sur la route, nombreuses scènes de vie étonnantes : des petits cochons noirs, que l’on voit dans les champs deci-delà, sont tués et grillés au bord de la route devant les maisons, offerts ainsi aux automobilistes qui ont envie d’un peu de lard grillé (les Équatoriens en raffolent) ou d’un morceau de viande à déguster sur place.

Les paysages sont très variés : on passe de régions sèches avec yuccas, sisal, eucalyptus, de couleur beige, à des régions très humides, de couleur verte, avec beaucoup d’eucalyptus, de conifères de toutes sortes. Les habitants délimitent leur terrain avec de petits bâtons qui prennent aussitôt racine !

Dans ces régions, on voit beaucoup de femmes en jupes et en chapeaux, soit en feutre noir, soit en paille (panama).

Nous déjeunons dans un petit restaurant : Étienne semble reconnaître les restaurants " sans risques " mais il paraît que les Équatoriens sont très propres ; de plus, ils ont eu il y a quelques années l’expérience du choléra et depuis font encore plus attention. Le menu est encore une truite (énorme) avec frites et légumes crus, plus café. Le tout pour 25 francs !

À Ingapirca : vestiges inca importants avec ces pierres bosselées, admirablement emboîtées et lissées complètement. Il reste quelques portes trapézoïdales. Le site est imposant et pas entièrement identifié.

La ruine la plus importante est appelée " la forteresse ", mais on pense qu’il s’agit plutôt d’un centre cérémoniel. Ingapirca fut édifié en 1500 dans un site superbe et majestueux.

L’adoratorio (ou castillo) mesure 38 mètres sur 14. Il est de forme ovale pour rappeler l’orbite de la Terre vers le Soleil ; et il est orienté d’est en ouest (la course vers le soleil).

À gauche de la forteresse, on trouve l’Ingachungana, lieu de cérémonie en forme de baignoire. De profondes rigoles servaient probablement à écouler les eaux de pluie, et le sang des sacrifices.

Le musée complète bien la visite. On y trouve un plan en français réalisé par la mission géodésique en 1736, des petites statues, des morceaux de textiles précolombiens dans un état exceptionnel, des objets en cuivre, des outils en pierre, etc.

Puis retour à Cuenca, mais quelle conduite ! Il faut doubler à droite, doubler dans les virages pour éviter d’être asphyxiés par les camions et autobus, éviter les automobilistes, qui ne regardent jamais dans leur rétroviseur. Arrivée à 16 h 30 à Cuenca. Glace à l’italienne (énorme), puis repos jusqu’à 18 heures.

Dîner au café-restaurant comme la veille : soupe à l’oignon et banana split ! C’est encore énorme ! Coucher à 21 heures. Beaucoup de bruit dans l’hôtel jusqu’à 22 heures.

Lundi 26 [août 2002]

Lever à 6 heures car l’avion est à 8 heures. Petit déjeuner complet avec jus de goyave. Nous rendons l’auto et nous faisons la queue à l’aéroport pour l’enregistrement. Enfin, nous attendons dans la salle d’embarquement. Nous attendrons longtemps, car l’avion qui devait nous prendre et qui arrive de Quito a atterri à Guayaquil à cause du plafond, trop bas à Cuenca ! Nous partons finalement à 10 h 30. Il ne faut jamais être pressé en Équateur, et surtout ne pas faire de projets précis… Peu de visibilité, sauf au départ et à l’arrivée.

L’après-midi, nous prenons un taxi pour aller faire des achats en ville, mais je trouve que c’est très cher ! Un beau pull en alpaga vaut 112 dollars, soit 700 francs. Je me contente d’une écharpe de laine d’alpaga pour Henri ! (Il me dit toujours que ça tient aussi chaud qu’un pull !) 

À suivre.

Odile Jaillard.

In La gazette de l'île Barbe n° 52

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