Elle est née 55, rue de Passy, à
Paris. Sa grand-mère paternelle, Camille, est une Jaillard,
épouse d’Albin Mayet. Celui-ci, l’un des premiers à
avoir constitué l’histoire de sa famille depuis les origines,
signe, le 9 février 1893, un livre de raison qui fait
référence [cf.
la Gazette de l’île
Barbe, n° 23 à 29. —
NDLR.].
Son père, Paul Mayet, est un
industriel de la Belle Époque, associé dans la maison
Abel-Pifre, plus tard société Otis-Pifre. Il
équipe les immeubles des beaux quartiers de Paris d’ascenseurs
à cabines de bois. Il meurt, en mai 1909, des suites d’une
opération chirurgicale, à l’âge de 44 ans, alors
qu’elle n’a que 2 ans.
En 1911, sa mère Germaine,
née Denavit, se rapproche de sa famille et vient habiter
à Limonest dans le Rhône. Avec ses six enfants, elle y
passe de longues années difficiles pour avoir suivi les
conseils d’un oncle banquier lui ayant recommandé de placer en
emprunts russes toute la succession de son mari.
Malgré une vie économe et
austère, Françoise passe cependant une enfance heureuse
entre la maison et le jardin de Limonest et des vacances aux Vadoux,
en Beaujolais, la propriété de sa grand-mère
maternelle située sur la commune de
Saint-Jean-d’Ardières. Elle suit au " cours Mayet ",
place Bellecour, une scolarité réservée aux
jeunes filles de bonne famille assistées d’une
préceptrice. L’unique enseignante de ce cours est sa
grand-tante, Marguerite, et sa sœur aînée, Albine, est
sa préceptrice. Ce cours dispense, dans un grand salon, toutes
les matières en une demi-journée chaque semaine. Chacun
travaille ensuite à domicile avec la préceptrice
pendant toute la semaine. On passe ainsi de 6 à 16 ans, avec
le même professeur, de l’apprentissage de la lecture, de
l’écriture et du calcul jusqu’à des rudiments
d’humanités et de philosophie.
Son enfance et sa jeunesse sont
lourdement endeuillées par la mort de quatre de ses cinq
frères et sœurs, frappés notamment par la tuberculose,
que l’on ne sait pas encore soigner. En 1940, il ne lui reste plus
que sa mère et son frère jésuite Joseph, lui
aussi atteint de cette maladie.
À Limonest, avec sa sœur Albine,
elle cherche à se rendre utile. La maison Mayet accueille
d’abord le patronage des filles. On apprend à jouer de
l’harmonium pour entraîner le chœur de chant à
l’église. Puis à 18 ans, pour retenir les filles au
pays et éviter qu’elles aillent " se perdre "
à Lyon, elle participe à la fondation d’un petit
atelier de couture, suggestion de M. Bonnassieux, curé du
pays. Mais les candidates ouvrières sont rares et une vie de
première ouvrière montre vite ses limites. Avec les
petites économies réalisées, et pour se rendre
encore plus utile, Françoise décide de faire des
études d’assistante sociale, profession nouvelle voyant une
école s’ouvrir à Lyon. En 1935, elle est, brillamment,
l’une des premières titulaires nationales du diplôme
d’État et fonde le service social du quartier de la Dargoire,
dans un rez-de-chaussée des h[abitations à] l[oyer]
m[odéré] construits près de Saint-Rambert par la
Caisse d’épargne, qui finance également le service
social.
À 30 ans, c’est la belle vie. Un
petit appartement en ville, quai Gailleton, où, durant
l’hiver, elle héberge sa mère. Une stagiaire assistante
sociale lui fait connaître son frère, Jean
Guérard, également ami du mari d’une cousine,
Christiane Fournier. Garçons et filles découvrent les
Alpes, les débuts du ski, l’alpinisme. Mais la guerre
arrive.
Retardés par la mort d’Albine,
Jean et Françoise se marient le 1er juin
1940. La fête est assombrie par les bombardements. La
pièce montée du dessert, qui doit monter de Vaise, a
quelque peine à arriver à Limonest. Ils partent tout de
même en voyage de noces par Grenoble et Gap, tandis que les
Allemands descendent par la vallée du Rhône. Ils cachent
la voiture chez un client de Jean, pour revenir à Lyon en
franchissant les troupes ennemies par le train : on les attend pour
une Première communion, la vie ne s’étant pas tout
à fait arrêtée. Jeune mariée,
Françoise arrête de travailler, installe un appartement
dans le second étage de la grande maison familiale à la
Croix-Rousse. Elle attend vite, en 1941, un premier enfant, Bruno,
puis en 1943, c’est la naissance de Marie-Albine.
Les activités de v[oyageur]
r[eprésentant] p[lacier] de Jean sont vite interrompues par
les hostilités. Il trouve un gagne-pain au comité de
répartition des textiles. Mais au cours d’un voyage
destiné à garder le contact avec son employeur de
Cholet et la famille restée de l’autre côté de la
ligne de démarcation, il est pris par les Allemands avec un
tract compromettant en poche. C’est la prison. Il en sort très
malade et décède en janvier 1944. Joseph, le
jésuite, qui tient une maison de santé à
Hauteville tout en assurant les fonctions de curé et de maire
désigné d’office, est lui aussi emmené en
déportation. Il meurt en janvier 1945, près de
Hambourg, au camp de Neuengahme.
Françoise, restée seule
avec ses deux enfants de 2 ans et demi et 9 mois et sa mère
âgée, est aussi atteinte de tuberculose. Ses enfants
recueillis dans sa belle-famille, elle part en maison de repos. Elle
résiste et se relève pour prendre un poste d’assistante
sociale aux sanatoriums de Saint-Hilaire-du-Touvet, en grande
Chartreuse. Le grand air doit ressusciter toute la famille. Elle est
aidée par une amie de montagne, Madeleine Coutagne, qui garde
ses enfants pendant qu’elle travaille. En 1950 cependant, elle est
victime d’une embolie cérébrale, consécutive
à une erreur dans les soins pulmonaires qu’elle continue
à suivre. Tout le monde redescend à Lyon.
Françoise
Guérard dans les années 1960.
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Elle reprend peu à peu ses
activités et entre à l’école
Rockefeller d’infirmières et d’assistantes sociales,
où elle est chargée de la section des
puéricultrices. Elle y accomplit toute la fin de sa
vie professionnelle jusqu’en 1972. Après être
revenue dans sa belle-famille, à la Croix-Rousse,
jusqu’en 1958, elle s’installe à Monplaisir, Lyon
IIIe, puis, à l’heure de la
retraite, à Caluire. Elle achève ses
dernières années dans la maison de personnes
âgées du cercle de la Carette, sur les bords du
Rhône au quartier Saint-Clair.
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Curieuse de beaucoup de choses,
très active, malgré ses difficultés
permanentes de santé, elle a toujours cherché
à voyager, jusqu’en Côte-d’Ivoire et au
Bénin, en particulier durant sa retraite, à
l’invitation de certaines de ses ancienne
élèves. Elle a beaucoup lu, peint, suivi des
cours de théologie aux facultés catholiques,
participé longtemps à des réunions
d’A[ction] c[atholique] i[nternationale], ou du Mouvement
spirituel des veuves. Avec son mari, puis avec son cousin
Henri Jaillard, de l’île Barbe, elle a conduit un
rucher dans le jardin de la rue Henri-Gorjus à la
Croix-Rousse. Elle s’est dévouée à des
cours d’alphabétisation. Elle a apporté son
soutien actif à l’A[ction des] c[hrétiens pour
l’]a[bolition de la] t[orture], à l’Orangerie des
sans-abris à Caluire et tant d’autres causes. Tant
que son coeur le lui a permis, elle a marché dans les
montagnes qu’elle aimait, à Argentières
près de Chamonix, puis en haute Maurienne, où
se sont fixés ses enfants. Elle fut une
grand-mère attentive et soucieuse de ses six
petits-enfants.
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Marie-Albine Tillet
et Bruno Guérard.
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In La gazette de l'île Barbe n° 53
Eté
2003
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