Né à Milan en 1813,
formé à Lyon, étudiant à Paris
(1831–1836), quelques années avocat à Lyon (1836–1839),
il sera enfin, de 1840 à sa mort, professeur à Paris,
où il succédera à Claude Fauriel comme
professeur de " littérature étrangère " à
la Sorbonne. Ozanam fut profondément impressionné par
les conditions de vie et les révoltes des canuts de 1827
à 1831. Il s’engagera dans la " question des pauvres ",
plusieurs fois soulevée par l’Avenir ;
son premier ouvrage est en effet, en 1831, les Réflexions sur la doctrine de
Saint-Simon. C’est à
cette époque fervente que remonte la création des "
Conférences de charité " [23 avril 1833], dont le
développement fut extraordinaire et pas uniquement en France.
À la mort d’Ozanam, les Conférences de
Saint-Vincent-de-Paul étaient présentes en Angleterre,
Espagne, Belgique, Italie, Amérique, et aujourd’hui elles
réunissent dans le monde entier 50 000 groupes et 800 000
associés, désireux — comme Ozanam l’écrivait en
1830 — " d’assister ceux qui tombent dans la misère ou
l’affliction. " Ce programme, politique et humain,
alliait — dans le culte de la dignité humaine — christianisme
et liberté : " je dois à l’étude mieux
approfondie du catholicisme un sincère amour de la
liberté " (lettre à Jean-Jacques Ampère, 21
février 1840). Rentré à Paris pour assurer la
succession de Fauriel, Ozanam venait de soutenir en 1838 deux
thèses essentielles pour son avenir de chercheur :
l’Essai sur la philosophie de
Dante et la thèse
complémentaire De
frequenti apud veteres poetas heroum ad inferos descensu.
L’année suivante, ce
travail sera publié sous forme d’un volume vigoureux :
Dante et la philosophie
catholique au xiiie
siècle (Paris,
1839). Chez Ozanam, le monde de Dante est
présence, présence de l’infini et de l’humain, de la
recherche et du témoignage, orientés au Moyen Âge
comme en son temps par la libertas pauperum : " Il y aurait peut-être le sujet
d’intéressantes investigations à faire dans les
doctrines des Fraticelli, de Guillelmine de Milan, des Frères
Spirituels, où la communauté absolue de corps et de
biens, l’émancipation religieuse des femmes, la
prédication d’un évangile éternel,
rappelleraient les tentatives modernes du saint-simonisme. "
On comprend alors pourquoi saint
François d’Assise lui paraîtra " comme l’Orphée
du Moyen Âge " (les
Poètes franciscains), et
pourquoi, de la Comédie
de Dante, Ozanam traduira le
Purgatoire, lieu de la rencontre du divin et de l’humain.
Dans son désir, si proche de celui de Chateaubriand, de
reconstituer les étapes d’une civilisation humaine, affranchie
par le christianisme, affinée par la poésie, il aura
jusqu’à sa mort un élan prophétique qu’il
résumera ainsi à Niccolò Tommaseo : "
Admirez-vous comment Dieu mène le genre humain sous la
nuée et dans les ténèbres comme il menait le
peuple hébreux ? Mais nous sommes aussi son peuple : j’ai
confiance et si cette route aboutit à la mer, je crois que les
flots s’ouvriront. Si elle conduit au désert, je crois que la
loi y sera donnée. Je crois à une transition
mystérieuse, au progrès obscur mais certain de la
société catholique. " La " transition
mystérieuse " des ères de Fourier, de la
société de Saint-Simon, s’élevait — en suivant
le poème de Dante — à la plénitude de l’homme
libéré par grâce et raison : " C’est pourquoi, te
faisant maître de toi-même, je te donne la couronne et la
mitre " (Purg[atoire],
XXVII, 142). Carlo
Ossola. Professeur au
Collège de France. In Célébrations nationales
2003, édité par
le ministère de la Culture et de la Communication, direction
des Archives de France, délégation aux
Célébrations nationales, Paris, 2002, p.
78-79. La présentation
choisie pour ce petit ouvrage ne permet de donner qu’une place
limitée aux informations destinées à
compléter les articles publiés. Cette rubrique propose
: Ibidem, p. 186-187. In La gazette de l'île Barbe n° 53 Eté
2003