Frédéric Ozanam

Milan, 23 avril 1813 – Marseille, 8 septembre 1853

célébration nationale 2003

" Le fini est pressé par l’infini de toutes parts. " Cette remarque qu’Ozanam adresse à Ernest Falconnet, le 18 décembre 1831, à l’âge de 18 ans, est l’emblème même d’une vie brève, ardente, animée par une " générosité chevaleresque " (G. Gorcy), par un " romantisme catholique " (H. Bremond), nourri des témoignages et de l’œuvre de Chateaubriand, Lamennais, Ballanche, Eckstein, Montalembert, Ampère.

Né à Milan en 1813, formé à Lyon, étudiant à Paris (1831–1836), quelques années avocat à Lyon (1836–1839), il sera enfin, de 1840 à sa mort, professeur à Paris, où il succédera à Claude Fauriel comme professeur de " littérature étrangère " à la Sorbonne. Ozanam fut profondément impressionné par les conditions de vie et les révoltes des canuts de 1827 à 1831. Il s’engagera dans la " question des pauvres ", plusieurs fois soulevée par l’Avenir ; son premier ouvrage est en effet, en 1831, les Réflexions sur la doctrine de Saint-Simon. C’est à cette époque fervente que remonte la création des " Conférences de charité " [23 avril 1833], dont le développement fut extraordinaire et pas uniquement en France. À la mort d’Ozanam, les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul étaient présentes en Angleterre, Espagne, Belgique, Italie, Amérique, et aujourd’hui elles réunissent dans le monde entier 50 000 groupes et 800 000 associés, désireux — comme Ozanam l’écrivait en 1830 — " d’assister ceux qui tombent dans la misère ou l’affliction. "

Ce programme, politique et humain, alliait — dans le culte de la dignité humaine — christianisme et liberté : " je dois à l’étude mieux approfondie du catholicisme un sincère amour de la liberté " (lettre à Jean-Jacques Ampère, 21 février 1840). Rentré à Paris pour assurer la succession de Fauriel, Ozanam venait de soutenir en 1838 deux thèses essentielles pour son avenir de chercheur : l’Essai sur la philosophie de Dante et la thèse complémentaire De frequenti apud veteres poetas heroum ad inferos descensu. L’année suivante, ce travail sera publié sous forme d’un volume vigoureux : Dante et la philosophie catholique au xiiie siècle (Paris, 1839).

Chez Ozanam, le monde de Dante est présence, présence de l’infini et de l’humain, de la recherche et du témoignage, orientés au Moyen Âge comme en son temps par la libertas pauperum : " Il y aurait peut-être le sujet d’intéressantes investigations à faire dans les doctrines des Fraticelli, de Guillelmine de Milan, des Frères Spirituels, où la communauté absolue de corps et de biens, l’émancipation religieuse des femmes, la prédication d’un évangile éternel, rappelleraient les tentatives modernes du saint-simonisme. "

On comprend alors pourquoi saint François d’Assise lui paraîtra " comme l’Orphée du Moyen Âge " (les Poètes franciscains), et pourquoi, de la Comédie de Dante, Ozanam traduira le Purgatoire, lieu de la rencontre du divin et de l’humain. Dans son désir, si proche de celui de Chateaubriand, de reconstituer les étapes d’une civilisation humaine, affranchie par le christianisme, affinée par la poésie, il aura jusqu’à sa mort un élan prophétique qu’il résumera ainsi à Niccolò Tommaseo : " Admirez-vous comment Dieu mène le genre humain sous la nuée et dans les ténèbres comme il menait le peuple hébreux ? Mais nous sommes aussi son peuple : j’ai confiance et si cette route aboutit à la mer, je crois que les flots s’ouvriront. Si elle conduit au désert, je crois que la loi y sera donnée. Je crois à une transition mystérieuse, au progrès obscur mais certain de la société catholique. " La " transition mystérieuse " des ères de Fourier, de la société de Saint-Simon, s’élevait — en suivant le poème de Dante — à la plénitude de l’homme libéré par grâce et raison : " C’est pourquoi, te faisant maître de toi-même, je te donne la couronne et la mitre " (Purg[atoire], XXVII, 142).

Carlo Ossola.

Professeur au Collège de France.

In Célébrations nationales 2003,

édité par le ministère de la Culture et de la Communication, direction des Archives de France, délégation aux Célébrations nationales, Paris, 2002, p. 78-79.

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Orientations bibliographiques et références

La présentation choisie pour ce petit ouvrage ne permet de donner qu’une place limitée aux informations destinées à compléter les articles publiés. Cette rubrique propose :

Ibidem, p. 186-187.

In La gazette de l'île Barbe n° 53

Eté 2003

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