L'audace de la confiance

par la famille Duthoit

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- Pourquoi avez-vous eu ce désir de partir en famille en Inde ?

- C'est un désir qui a toujours été présent depuis le début de notre mariage. Mais on s'est laissé happer par le rythme de la vie.

Fin mai, j'ai eu l'occasion de suivre une retraite sur " l'abandon à Marie " et, le lendemain, un " pèlerinage des mères de famille " : " l'audace de la confiance ".

De son côté, Jérôme était totalement dans sa recherche d'emploi et c'est pourquoi, à la messe du dimanche, au moment de l'offertoire, la surprise a été énorme lorsqu'il m'annonce son désir de partir en Inde en famille.

- Comment avez-vous fait pour choisir l'endroit où vous êtes allés ?

- Il est vraiment difficile pour des missionnaires d'accueillir une famille avec cinq enfants.

Le père Philippe-Marie, de la Congrégation Saint-Jean et responsable de l'Asie, nous a proposé de contacter le père Dominique à Pondichéry. Par téléphone et sans nous connaître davantage, il a accepté que nous venions chez lui en nous précisant d'emblée que nous serions des " serviteurs inutiles " dans ce " centre d'acceuil pour les sidéens ".

Il nous a fallu lâcher toutes nos sécurités et nos tracasseries quotidiennes (recherche de billets d'avion, organisation des camps de scouts et de jeannettes, signature chez Alcatel pour Jérôme) et poser des actes de foi et d'abandon à Dieu pour qu'Il puisse œuvrer dans notre vie et afin que ce voyage puisse se réaliser s'Il le souhaitait.

Nous avons fait cette prière : " Seigneur, nous T'offrons cet été pour Ta gloire, et si ce désir de partir en Inde vient de Toi, nous Te laissons agir. " Dès ce moment, tout est devenu limpide.

- Pouvez-vous nous décrire le déroulement d'une journée au centre ?

- Le centre est installé dans le monastère de la Congrégation Saint-Jean et, de ce fait, la journée est rythmée par les temps de prière :

Extinction des feux à 21 heures, accablés par la chaleur et l'humidité. Le ventilateur fonctionne sans relâche et un minimum de trois douches par jour nous occupe aussi.

- Qu'avez-vous découvert ?

- Nous avons découvert la priorité de l'être sur le faire.

Nous aurions pu repeindre les murs de l'école, réparer des toits, planter des palmiers, mais notre choix était vraiment de " perdre " notre temps avec les malades et de leur être totalement disponibles.

Nous étions partis en voulant nous rendre utiles, mais nous avons découvert que notre fécondité était dans l'amour que nous donnions à ces personnes sidéennes rejetées par leur famille, par la société et même de leur système de caste.

- Avez-vous voyagé autour de Pondichéry ?

- Grâce à Mme de Blic, installée depuis quarante-cinq ans en Inde, nous sommes partis tous les sept à la montagne : huit heures trente de bus pour 200 kilomètres. Enfin une salade de tomates crues et des pommes de terre cuisinées par maman ! Pas de ski au programme, mais de grandes promenades dans une végétation luxuriante : feuilles grandes comme des parapluies, fleurs en abondance, familles de singes. Le temps était brumeux et nous étions contents d'être équipés de nos polaires et de nos K-way.

Visite d'un temple hindou à Chindibaram, au sud de Pondichéry, et vingt-quatre heures de plongeon dans l'hindouisme dans la vallée de Tirumana : ville sainte avec un ashram (monastère hindou), montagne sainte habitée par des ermites et magnifique temple hindou.

Quatre à cinq jours dans un " point cœur ", association catholique créée par le père de Rouci : des jeunes donnent au minimum vingt mois de leur temps après les études pour vivre " le mystère de la compassion et de la miséricorde " dans les quartiers les plus pauvres. À nouveau, aucun apport matériel ou financier dans ces familles, mais de l'écoute, de l'aide, de la prière, des rencontres, des amitiés qui se créent.

- Quelles rencontres ont été les plus marquantes pour vos enfants ?

- Wandrille a été complètement adopté par les étudiants qui habitaient au centre ; à 5 ans, il vivait sa vie : tour de moto, dîner au restaurant, sans prévenir, invité par les étudiants…

Anne-Cannelle (8 ans) et Victoire (10 ans) ont rencontré Shuda et Jothi, qui ont exactement le même âge. La communication se fait par signe : échange de jeux européens pour les unes, indiens pour les autres, dessin, coloriage, création florale…

Melchior (12 ans) a été marqué par tous les enfants et s'est comporté en vrai grand frère auprès des petits garçons en organisant des matchs de foot, des jeux de raquettes, de badminton. Malgré la chaleur, il a toujours gardé son sourire chaleureux.

Alexis (13 ans et demi) a été particulièrement proche des étudiants et des pêcheurs qui habitent sur la plage. À la suite du raz-de-marée, le père Dominique a accueilli tous ces villageois au monastère. Le père a demandé à Melchior de se rapprocher de ces pêcheurs. Il a donc dormi avec eux et totalement partagé leur vie, allant jusqu'à leur donner des cours d'anglais.

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Que de grâces reçues cet été ! Que de vraies joies ! Comme il est bon d'être appelés par le Seigneur ! Merci, Seigneur, pour ce désir fou que Tu as fait naître dans nos cœurs. Merci, Seigneur, de nous avoir conduits et guidés dans cette aventure. Comme il est bon aujourd'hui de repenser à chacun ! C'est souvent avec beaucoup d'émotion et le déchirement de se sentir trop loin… Mais le Seigneur nous console bien vite, et dans nos pauvres prières, nous sentons nos cœurs s'unir à chacun de ceux qu'il nous a été donné d'aimer en Inde.

Que notre été indien continue de nous brûler pour la gloire de Dieu !

Que l'amour du Seigneur éclate et se déverse en pluie de grâce sur chacun !

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Pour ceux qui veulent voir les photos et avoir de plus amples détails, nous raconterons notre été à la mairie de Louveciennes le 22 janvier 2006 à 16 heures.

Entretien avec Natalène DUTHOIT.

In Les Échos de la Bonne Nouvelle, bulletin paroissial.

in La gazette de l'île Barbe n° 64, printemps 2006

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