Arielle Dombasle m'a
ouvert sa boîte à souvenirs, comme on ouvre son cœur. Il y a,
dans ce musée intime, le film d'une vie. Pourquoi écrire l'histoire
d'Arielle Dombasle ? Pour l'enterrer vivante dans une biographie qui
sentirait la naphtaline ? Ou pour tenter de dépeindre la
personnalité d'une actrice en vue, finalement peu connue ? Qui
est Arielle Dombasle ? Quelle est cette adorable sirène qui
fait les délices des couvertures glacées des magazines
people ? À cette interrogation mille fois
posée au moment de la préparation de ce voyage en
images, je n'ai toujours pas réussi à répondre.
Elle a su garder son mystère et c'est mieux ainsi. De toutes
les étoiles inscrites au firmament du cinéma
français, Arielle Dombasle est la plus scintillante. Si dans
le mot " star " on entend paillettes et distance, alors elle
en est une, tant il y a chez elle de l'irréel, à la
ville comme à l'écran. Elle est là sans
être vraiment là, un peu lointaine, toujours solaire.
Cette femme, qui ne saurait se passer de la magie du rêve, a
décidé de faire de son existence un conte de
fées, convaincue que la " beauté est ce qui
électrise le monde. " Elle voudrait que chaque jour soit une
fête, faisant mine de croire que demain, peut-être, le
beau l'emportera à jamais sur le laid. On pourrait la penser
naïve. Elle est en fait une sorte d'ange rebelle à la
médiocrité du quotidien. Elle est de celles pour qui
rien ne compte hormis l'élégance du cœur. C'est pourquoi elle s'invente des
histoires romantiques quelque peu fleur bleue, chantant parfois pour
répandre du bonheur sur la planète. Rien ne peut la
rendre plus heureuse. Qu'on lui demande brusquement
ce qu'elle espère le plus, elle répondra sans
hésiter " le merveilleux ", étant consciente
qu'une " démocratie où il n'y aurait que de la
beauté ne peut pas exister. " Arielle et son double.
Comme toutes les actrices, sa vérité n'est pas
parmi nous. Elle est au cœur de cette figure féminine
blonde et altière, légère et
complexe.
Elle est terre de contrastes, capable
de jouer aussi bien pour Éric Rohmer, dont elle fut
l'égérie à ses débuts en 1979
(Perceval le Gallois, Pauline
à la plage), pour Alain
Robbe-Grillet (La Belle Captive,
Un bruit qui rend fou), Raoul
Ruiz (Fado majeur, Fado mineur,
Le Temps retrouvé, Les Âmes fortes) ou Roland Joffé (Vatel),
que pour des séries télévisées
américaines (Lace, Miami
Vice). Actrice,
réalisatrice de deux longs métrages (Chassé-croisé, Les Pyramides
bleues), modèle pour
photographes de mode, chanteuse d'opéra techno-baroque (albums
Liberta, Extase), elle, décrite volontiers comme une
touche-à-tout, aime l'idée d'une trajectoire faite de
fantaisie et de liberté. Dans la vie, Arielle Dombasle s'est
fixé un devoir de frivolité dans une époque un
peu trop grave à ses yeux. Il n'y a rien de plus amusant que
de prendre le contre-pied des choses établies : " J'ai
sauté d'un univers à l'autre au cours de mes films.
Cela me plaît de pouvoir m'adapter à des planètes
différentes dont certaines ont pu être aux antipodes de
ma sensibilité. Je suis ravie d'avoir joué aussi bien
pour Claude Zidi que pour Peter Handke. J'aime l'idée de ce
grand écart même si je sais que la France est un pays de
chapelles et de sectes culturelles. J'adore déjouer cet
état d'esprit. " On sait que les icônes du
cinéma ont été inventées pour nous faire
rêver. Arielle Dombasle, c'est du peps techno, ce
supplément d'âme qui fait que l'on se sent
revigoré pour la journée. Elle est la gaieté
incarnée, du moins est-ce l'image qu'elle entend montrer. Elle
fait partie de ces êtres raffinés, voyageurs, ayant en
partage l'amour de la représentation et du beau. Blonde aux
formes parfaites, elle a tout pour séduire. Les hommes
d'abord, secrètement admiratifs, les femmes surtout, que sa
taille de guêpe rend envieuses. Elle sait aussi que l'apparence
n'est qu'un leurre qui ne remplacera jamais la richesse d'une
cervelle bien faite. Arielle avait sans doute envie
d'inscrire la mémoire de sa vie dans le temps, de laisser une
trace quelque part. C'est peut-être pour cela qu'elle a
accepté l'idée d'un livre sur elle. Le premier sur une
femme qui a l'art de sublimer l'ordinaire sans avoir jamais
renoncé à l'enfance. Elle est fatalement rêveuse.
C'est pourquoi elle devait figurer, après Marilyn Monroe et La
Callas, dans la collection " Face à l'objectif ". Ce livre, nous l'avons rêvé
comme un objet qu'elle voulait au " carrefour de l'esthétique,
de la politique et de l'éthique ". Y sommes-nous
arrivés ? Peut-être. En cet été 2001
où se sont déroulés nos entretiens, il semblait
qu'Arielle était heureuse de dire ce qui a forgé son
parcours, confié comme un trésor intime. Arielle arrive
à un moment de sa démarche où elle fait non pas
le bilan, mais raconte d'une voix douce ce qu'elle est au plus
profond d'elle-même. Cette sincérité m'a
touché. C'est une vie que j'ai essayé de mettre en
scène du mieux possible, sans trahir ni juger cette femme qui
décida un jour de se donner entièrement au monde, en
devenant actrice. Je n'oublierai jamais notre rencontre, comme une
perle trouvée sur la route du journalisme. Merci Arielle. Victor HACHE.
In Arielle Dombasle, Face à
l'objectif, Éditions du
collectionneur, Paris, 2002. in La gazette de l'île Barbe n° 65, été
2006