Stanislas Neyrat (« la famille Neyrat », supplément au n° 22, 5,4) est un grand-oncle dHenri Jaillard, de Lison [Louise] de Raucourt et de Magdeleine Lepercq. Ce journal, conservé par Henri et Anne Joubert, cite certains de ses parents, que situe larbre simplifié figurant en pages centrales.
Aujourdhui,
bénédiction du terrain à Fourvière pour
la nouvelle église. Procession comme si cétaient
encore les temps religieux. Que ma pauvre mère eût
été heureuse aujourdhui ! Elle désirait tant ce
moment ! Et voilà un mois que nous lavons perdue !
Pauvre et chère mère ! Elle nest plus là pour
partager toutes nos peines, nos joies. Sur la terre, une mère
est le seul appui quon sente irrévocablement
sûr.
Terminé
hier soir le Journal et correspondance de Marie-André
Ampère. Peu dintérêt. Belle âme,
honnête et timide. Quelques détails conjugaux de trop ;
pour mieux dire, quelques réticences trop significatives qui
doivent empêcher de faire lire ce livre à tout le monde.
Ma mère, vrai modèle de chasteté, ne pouvait
souffrir la moindre allusion, et jamais je ne lai vue sourire
à une parole douteuse.
M. M*** coule
la Sainte-Cécile. Prétentions successives, demandes
nouvelles, etc. Maintenant, il veut diriger tout le concert. Je ne
puis aller ce soir au conseil.
La semaine
dernière, nous avons fait une course intéressante.
Après un jour passé chez
Mme B[onnet] à Ambérieu, à jouir dune
douce hospitalité, rencontre à la gare de mes neveux,
avec lesquels et Éd[ouard] B[onnet] nous partons pour Culoz.
Déjeuner chez (Aga)Memnon. Au Colombier, montée facile.
Assez beau temps, quoique menaçant ; assez de vue, mais
non sur les montagnes. Puis la neige, les congères jusquaux
hanches. Manqué le chemin dArvière, revenu sur Culoz
par des grapillades [sic : cf. le grapillon,
« raidillon » en lyonnais. NDLR.]
garnies de taillis. Le lendemain, pluie. Messe à
Béon, aimable vicaire ; Artemare, Champagne, campagnes
neigeuses, le col de la Lèbe, Hauteville et Tenay. Mauvais
temps, mais bonne course. Éd[ouard], agréable
compagnon. Premières armes de Joseph, qui peut sen tirer
très bien sil le veut.
Hier soir,
réunion du conseil de la Sainte-Cécile. Séance
agitée pour le latin ou le français du Gallia.
H*** la emporté, en forçant la main, ce qui est
très fâcheux, ainsi que le vote populaire subi. Hors
cela, peu dimportance, à mon avis, mais à cause de
cela, décision fâcheuse, et qui, pour lavenir, peut
nous faire subir dautres couleuvres. M. L***, homme habile, souple,
doucereux, mais M. Y***, maître homme, éloquent,
élevé, un homme enfin. M. D***, moins clairvoyant, nous
a désertés et a été cause du vote pour le
français.
Quil est
difficile, en vivant au-dehors, de rester toujours comme on le
désire et de ne jamais outrepasser ! Aussi, que la vie de
solitude est plus facile !
Course à
Saint-Chamond avec Louis. De chez M. N***and à Saint-Ennemond,
à Saint-Julien, puis à revenir par un joli sentier le
long de la sale rivière. Vu enfin M. labbé B***. Il
paraît las de lenseignement, et ne donne quun peu despoir.
Mais confiance en Dieu, qui semble toujours vouloir mener mes neveux
à bien par des voies modestes.
Quelle
inconsistance que celle de lhomme ! Il suffit davoir
témoigné dune disposition desprit, dune intention,
pour la ressentir moins et être porté au parti
contraire. Mais la vertu doit dominer ces variations et les
empêcher.
Demain, le
service de ma bonne et chère mère. Déjà
près de quarante jours ! Pauvre mère, qui noubliiez
personne et vous dévouiez pour tous, si assidue
vous-même au culte des morts !
Fini la Vie
de sainte Cécile, par dom Guéranger. uvre
dérudition, mais où lauteur, malgré trop
defforts de style, ne met guère de poésie. Cependant,
les actes de sainte Cécile sont dun grand
intérêt, et la légende du bréviaire
lyonnais les fait peu deviner. uvre aussi de polémique, ce
qui ne poétise pas non plus. Lauteur dit vers la fin (p. 442)
: « Qui songeait à sainte Élisabeth de
Thuringe avant quune plume chère à tout ce qui porte
le nom de catholique eût révélé de nouveau
le nom et les aimables vertus de la fille du roi de Hongrie
? » Ne serait-ce pas là le motif qui a fait
écrire lhistoire de sainte Cécile, lémulation
de M. de Montalembert ? Mais quelle différence de
style, de poésie, dattrait !
Dîné
chez moi avec [ses neveux à la mode de Bretagne. Cf.
« la famille Colomb », 19a,11. NDLR.]
Ad[rien] B[erloty], J[oséphine] B[erloty] et D[eni]se
B[erloty], laquelle va se marier avec
M. J[oseph] R[ambaud]. Oh ! nature humaine, à la fois
mobile pour les événements, faible à cause de
cela, et forte pour se relever et se diriger si elle sait sattacher
au bien et voir les choses den haut en tout ! Et quel empire le cur
a sur les natures mêmes qui semblent les plus tranchées
et les plus caractérisées !
Essayé
hier lautographie à Saint-Jean : assez réussi
ce qui sera utile pour la musique.
Ce matin,
enterrement de Me Aymard. Les funérailles, les
noces, tout se croise en ce pauvre monde.
Plus que
jamais, jéprouve le désir de faire une petite
excursion, mais je voudrais la faire seul, avec moi-même, pour
réfléchir plus, savourer plus profondément,
analyser davantage. Mais je ne le puis maintenant et dois rester au
poste : premières communions, préparation de
fêtes, tout my tient.
Soirée
triste, pleine dangoisse. Que le Dieu de toute charité, de
tout amour, nous aide !
Retraite
commencée hier à mon aumônerie par labbé
Genin. Elle sera bonne et fructueuse sil plaît à
Dieu.
Étude
bien faite dans le Correspondant sur les occupations de la
première année de droit, bonnes réflexions sur
les improvisations et les improvisateurs.
La retraite de
première communion a été bonne, et sera
certainement profitable. Dieu veuille aussi que les résultats
en soient durables, afin que ces chers enfants conservent la
piété !
Lu Le
Fayoum, le Sinaï et Pétra, de M. Lenoir. Description
rapide et pittoresque, assez vraie et chargée en couleur.
Voyage de peintres avec Gérôme. Beaucoup desprit
parisien beaucoup, souvent trop. Peu de respect religieux au
Sinaï, mais à part cela, peu dinconvenance proprement
dite. Se lit vite. Pétra est un voyage dur au milieu de
Bédouins rapaces, le Fayoum ne paraît pas très
extraordinaire. Ne pourrai-je revoir ces pays ?
Allé
mercredi, 8, à Notre-Dame-des-Dombes, voir le bon père
abbé. M. Peyre et M. Nouvelet my rejoignent au milieu du
jour. Causé avec le révérend père. Rien
ne soppose à ma vocation ; mais il nose dire quelle existe,
et je le sens hésitant suivant les différents
symptômes. Ce qui my pousse, cest le désir de mon
salut, trop facilement compromis dans lagitation du monde, le
désir de lesprit de foi qui saffaiblit trop ; mais trop
encore dindécision, de manque de volonté ferme, trop
de calcul. Jai, je crois, plus besoin de prière que dautre
chose. Il avoue que, à cause de ma famille, je ne le puis tout
de suite, mais dici à un an et demi ou deux ans, je dois
avoir décidé, je dois réfléchir plus et
voir quand, à propos de quoi jen ai plus envie. Mes notes
vont mêtre utiles. Homme de Dieu que le révérend
père, modéré, raisonnable, et qui doit
être bon supérieur.
Depuis, fatigue
destomac assez forte, mais la nourriture des trappistes ny est pour
rien.
Ce soir,
concert de la Sainte-Cécile, mais auquel je ne vais pas.
Coch[onner]ie de Da***, qui fait jouer ce soir grand opéra
pour empêcher son orchestre de venir. On sen tirera tout de
même.
Lu Retraite
et mort de Charles Quint, par Mignet [en
réalité, Louis-Prosper Gachard. NDLR.]. Quelques
appréciations peu favorables au catholicisme, aux papes et
à lInquisition, mais ouvrage de vraies recherches, du beau
style de lhistoire ; livre intéressant et instructif.
F[élix] B[erlot]y, un petit Charles Quint, ayant des
qualités analogues. Ce sentiment me dominait pendant cette
lecture.
Fatigue
persistante, diarrhée, etc., affaiblissement,
démoralisation. Tous mes projets contrariés, et moi
aussi, par conséquent. Lhomme est peu de
chose.
Fatigue
continue. Évidemment, je dois dorénavant compter avec
mon estomac et ne plus le croire au-dessus de tout. Temps
épouvantable ces jours-ci, ce qui fait prendre la maladie en
patience. Mais aujourdhui, il fait meilleur. Essayé
aujourdhui le laudanum, un vieux flacon qui avait fait le voyage de
Terre sainte [en octobre 1856. NDLR.], et navait jamais
servi.
Lindisposition
continue ; voilà seize jours. La pluie continue aussi, et
on apprend les désastres, inondations, orages, etc.
Éd[ouard] B[onne]t est revenu me voir, bon et excellent
cur.
Orage sur les
chapelains : on les assujettit à la pointe
onéreuse au-delà de 480 pointes, cest-à-dire
deux mois de vacances, avec répartition entre ceux qui nont
pas dépassé ce chiffre. Ils réclament
respectueusement ; que sortira-t-il de tout cela ? M.
Pagnon [vicaire général de larchevêque de
Lyon. NDLR.] me fait appeler ce soir. Cela
minquiète : pour quoi ce peut-il être ?
Uniquement pour que je demande à Mgr Lacarrière sil
pourrait prêcher une retraite pastorale.
Amélioration
cependant, avec promesse aux âmes du purgatoire, et par le
moyen de lopium, qui cependant dabord navait pas pleinement
réussi.
Rechute.
Pourtant, le temps est au beau et le vent du nord a balayé le
ciel. Quel joli temps ce serait pour une course ! Presque
toujours ainsi lorsquon ne peut pas. Et ainsi passe la vie en
projet, en mécomptes et en nouveaux projets.
Amélioration
lente, mais graduelle.
Fait, ces
jours-ci, mon petit mot pour le mariage Berloty-Rambaud. Assez
laborieux, non pour lexpression, mais pour le
cadre.
Réunion
de la Sainte-Cécile. Décidé lorchestre habituel
pour lan prochain. Il sagit de la nomination du onzième
membre. Je propose Lacombe ou Journoud. Les autres proposés
sont MM. F*** du Bourg (de La Chance), de Roannet, Serres,
Louvier, F*** Renard, Dr Coutagne ; ces derniers, moins de
probabilité.
La question de
notre fin dannée à Saint-Jean me préoccupe
beaucoup. Je nai pas le courage de lexécution : le
souvenir de ma pauvre mère serait si présent ! Et
dun autre côté, les élèves le
désirent, lentrain, loccupation, la splendeur de la maison y
poussent. Que Dieu veuille méclairer !
Oui ! que
Dieu méclaire et, au besoin, me donne courage ! Je suis
en crainte de désagréments pour moi et labbé
T[rillat] si je ne fais rien, et dun autre côté,
puis-je, dois-je faire quelque chose ?
Mon
indisposition sembler passer, témoin une forte
migraine.
Grands
désirs de voyage : je commence à préparer.
Quand on y est, on y trouve aussi des dégoûts, des
peines ; il semble que ce ne soit plus si désirable. Ne
trouverai-je pas de désir qui, assouvi, donne le plein
bonheur ? Peut-être à la Trappe ?! Encore une
fois, que Dieu méclaire et me
fortifie !
M. Fels, mon
cousin [en réalité, oncle à la mode de
Bretagne. Cf. Les Familles Servan, Maurier, Neyrat et Teste,
Servan, K1. NDLR.], vient de mourir, après une
très courte maladie, ne se croyant pas même
malade : il sest confessé presque pour faire plaisir,
non par répulsion, mais ne se croyant pas à la fin.
Homme complaisant, charitable, modeste, de murs simples et
réglées. Le dernier de mes ascendants du
côté de mon père.
Grand retard,
et cependant, que javais à dire ! Dabord mon voyage du
Midi pour santé, quoiquil mait peu réussi. Pour un
franc à Tournon en bateau (Gladiateur), puis à
Viviers, chez le bon abbé Hébrard et chez ces bons
MM. Desmartins, Chomel, etc., de la maîtrise. Reçu
très affectueusement. Visité cathédrale, joli
chur, belles tapisseries (tableaux de Jouvenet), joli clocher. Le
chapitre, qui ne fait rien, ne veut guère que lon fasse, et
cependant, ces messieurs ont grande bonne
volonté.
Labbé
Hébrard maccompagne le lendemain. Tarascon, Sainte-Marthe,
Gambetta, barbier, hôtel des Empereurs. Une voiture pour les
Baux, Saint-Gabriel, Maussane, Le Baou. Pays singulier : mines
et rochers taillés, rues dans le roc, ogives encastrées
dans la rue, carrières. Citerne moderne. Belle vue. Course
très intéressante. Vallée
désolée. Trop tard à Saint-Rémy ; on
y dîne. À minuit à Tarascon.
Chemin de fer
à Graveson. Montée à Frigolet (frigoulette
= « serpolet ») ; aridité,
désert. Le sommet des tours paraît dans un ravin
latéral. Couvent des Prémontrés, blanc à
éblouir, en position peu grandiose, auprès dune seule
petite fontaine. Ancienne chapelle et ancien joli petit
cloître. Le père Edmond Organisation musicale :
trois offices par jour en faux-bourdon, deux classes de musique.
Juste, mais peu de voix. Discipline qui doit être
sévère ; enfants en costume religieux.
Église de 58 mètres, très peinte et très
dorée. Belles choses, grandes dépenses. Cette
institution est-elle viable ? du moins dans ces
proportions ?
Le dîner,
hélas ! Promenade sur les hauteurs. Ma santé
pitoyable. Souper : lectures. Y a-t-il en Algérie une
ville de Suphar ou de Suphasar, et deux évêques
Reparatus [Tipaza et au moins son évêque du
ve siècle saint Réparat.
NDLR.] ?
Le soir
à Avignon, le lendemain à Viviers, le samedi à
Lyon. Santé peu améliorée. Labbé
Convert, charmant dattention charitable.
Cette longue
fatigue destomac nest pas trop en faveur de mes intentions
monastiques, et en tout cas, ce nest pas aux
Prémontrés que jirais. Mais, dans cet état
maladif, ce nest pas un moment à décider rien que ce
soit.
Que de choses écoulées pendant
cet intervalle ! Ma fatigue est cependant moins forte, et tend
à disparaître pleinement. Ce serait un avertissement
sérieux si je savais bien ce qui la causée. Est-ce
lhoméopathie, est-ce leau de Vals qui ma
guéri ? Ne soyons pas ingrat !
Négociations de voyage. Mes
compagnons : difficile que Pierre vienne ; on ne
concède volontiers que quinze jours, et, vu le travail du
magasin, létat de santé du père et autres
circonstances, cela se comprend ; mais il men coûte
beaucoup ; quinze jours ne pourraient cadrer Irai en Tyrol et
Styrie en menant Camille, ou en Norvège, Suède et
Russie sans lui. Difficultés de la question de la messe. M.
B[ouch]***t viendra-t-il ? et Paul J[ournoud] ?
Édouard a éprouvé un refus.
Il faut donc que même nos joies, et
même celles que nous semblons pouvoir le mieux disposer,
décider, arranger à notre gré soient
semées de peines, et mélangées, dominées,
semble-t-il parfois, par la tristesse. Quil est plus difficile de
jouir que de souffrir !
Mon voyage est décidé pour la
Norvège, Suède et Russie. Décidément ni
Pierre ni Camille, ce qui mattriste beaucoup et me fait souvent
regretter ma détermination. Mais en Tyrol, Pierre non plus
naurait pu venir, et peut-être préfère-t-on
cette année garder mes neveux : cela leur fera à
tous apprécier les voyages. Mais cest dur, et pour ma propre
peine, et plus encore pour celle de mes neveux. Jusquà
présent, Georges est mon seul compagnon. Plusieurs en balance,
mais peu de probables. M. B[ouch]***t sera fixé demain, et
cest bien temps. Les passeports à faire viser aux ambassades,
puis il faudra partir le plus tôt possible. Que de poursuites
pour un but si loin du bonheur !
Nous chantons Les Ruines
dAthènes à notre fin dannée. Jai cru le
devoir. Je souhaite la réussite, surtout pour la maison, et
parce que je dirige tout moi-même, et parce quon a cru que je
ny mettais pas de la bonne volonté.
Et voilà que nous partons. Ce soir.
Douleur, inquiétude, cest ce quon trouve au fond et à
la surface des jouissances. Est-ce la peine de vivre ?
Compagnons : Georges Ch[ambeyron], Bonaventure B[erloty],
Charles Bouch***[t].
Depuis longtemps, nous sommes revenus. Voyage
heureux. Ch[arles] B[ouch***]t, très charmant. G[eorges],
bien ; à la fin, un peu plus de tirage comme
caractère ; ne serait-ce un peu ma faute ?
pourtant ! Bon[aventure] a gagné
beaucoup.
Pour le voyage, voir les notes [Cf.
Norvège et Suède, excursion de vacances,
édition Delkomme et Briguet, 1883. NDLR.].
Voyage lointain que je suis très content davoir fait, et qui
est très à part, quoiquil ait eu peu dincidents
très spéciaux.
Après le retour, seconde course, avec
Pierre, Camille et Jules. Course mouillée. En voici le
sommaire :
Départ de Lyon par chemin de fer.
Changement de costume dans une allée de la rue Vaubecour.
Tain, Tournon (abbé Bonjoin), Valence, Livron, Privas. Nature
déjà méridionale. Foire et foiral. À pied
à Aubenas ; arrivée à 9 heures du
soir.
Belle vue
dAubenas ;
rapports avec Monistrol dEspagne ; château. À pied
à Vals par Labégude. Les casses, nombreuses.
Monté à Sainte-Marguerite ; beau temps ;
belle vue, digne dêtre connue : petite misérable
chapelle, vallées de Jaujac, de Thueyts, etc. Descente
escarpée, dallée, pénible. La route.
Arrivée à Thueyts, pauvre auberge.
La pluie. Gueule dEnfer : beau paysage,
pour de la route ; cascade sèche, le ciel compense ;
basaltes moins formés que nous ne pensions. Détour pour
lÉchelle du Roi, escalier grossier dans une fissure,
très curieux. La route ; pluie toujours. Arrêt
à Barnas puis à Mayres. Dîner avec deux cochers.
Épatement de lun deux, grand blagueur, au récit de
mes voyages. Montée longue à La Chavade, parce que
froide. Rafraîchissements ; renseignements incomplets.
Nous partons vers 21 heures ; la pluie encore. On monte aux
plateaux. À la nuit, plus de chemin ; perdus ; nuit
noire ; je dégringole même un peu avec Camille.
Nous appelons ; on répond dabord de loin, puis silence
obstiné. Où dormir ? Froid, pluie, les nuits si
longues, les abîmes pour empêcher de marcher. Nous nous
recommandons aux âmes du purgatoire. À la fin,
clochettes de troupeau, aboiements de chien, berger et pauvre
bergerie, bonheur davoir du feu et de coucher à la paille.
Nuit telle quelle. Dès lors, Pierre, parti malade et souffrant
des dents, est guéri.
La pluie, plus que jamais. Le berger, brave
homme, nous accompagnera, mais sa femme résiste longtemps. Nul
chemin. Sur deux parapluies, un se casse, hélas ! On les
ferme. La pluie pince comme du gravier, ou de la grêle.
Pourrons-nous passer les Terrasses ? Trois heures et demie pour
aller à Saint-Laurent-les-Bains. Bon accueil, heureusement.
Fourniture de linge, vêtements, etc. Bon feu, bon dîner.
On y finit la journée. Pauvre trou
encaissé.
À 11 heures, départ en omnibus
et quel
omnibus !
pour la gare de La
Bastide. Hauts et tristes plateaux si dénudés.
Après délivrance de billets, nous apprenons que tous
les trains sont suspendus, à cause déboulements. Que
faire ? Aller à Villefort ? Il pleut encore, et
nulle voiture, ni parapluie, ni capes dans ce pauvre village.
À la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges, malgré la
répugnance du costume, bon accueil : le père
Polycarpe, M. Nasiet le Solennel, M. Brun.
La messe et le départ. Beau temps.
Cependant, le père Adrien nous fait la conduite. Pierre
druidique. Aspect de la route et du chemin de fer.
Prévenchères. Gracieux (?) vicaire.
Ancienne église, ancienne route. Château de La Garde.
Descente atroce dans la vallée ; café de la
Musique ; tunnel et Villefort, resserré entre deux
côtes ; hôtel Chambord.
Montée à un col
élevé : belle vue sur la vallée et les
montagnes qui mènent à Alès. Pays curieux en
voiture, et à grande nuit aux Vans : hôtel du
Cheval blanc.
La messe, car cest le dimanche du rosaire.
Puis en route. Montée. Curieux pays de ruches blanches,
doliviers, tout déchiqueté, usé,
calciné. Berrias, Grospierres. La route sallonge, suit un
grand détour de lArdèche. Vallon : hôtel du
Louvre.
Barbier qui me prend pour le président
de la république suisse, acharné gambettiste. Pont
dArc, admirable merveille naturelle. Misérable restauration.
Vieux chemin qui monte, monte, pittoresque, sur le plateau plus
monotone de Saint-Remèze. Cest la fête votive,
la foire. Dîner ; pièces montées.
On repart. Désert. La grande pluie et le vent. Arrêt
à *** chez le maire, charmant homme, puis, horrible temps, mon
parapluie achève de se casser. Nous arrivons
transpercés à Saint-Marcel. Arrêt. Restera-t-on,
ira-t-on à Pont-Saint-Esprit, ou à
Bourg-Saint-Andéol ? On se décide à aller
là en voiture. Enfin ! bon hôtel
Barellet.
Chemin de fer. Arrêt à
Valence ; la pluie toujours. Arrivée à
Lyon.
Essai de demande au ministre J[ules] Simon
pour obtenir de faire un grand orgue à
Saint-Jean.
Lu les Lettres sur le Nord de X[avier]
Marmier : intéressant ; beaucoup, peut-être
trop de légendes ; bien écrit.
Réussirons-nous pour lorgue de
Saint-Jean ? Ce serait si beau ! M. S[ache]t doit aller
demain porter la demande à signer à
larchevêque.
Tribulations à mon aumônerie.
Régis est poursuivi pour navoir pas servi pendant la guerre.
Pourtant, il na point reçu de feuille de route, comme en fait
foi le manque de reçu. On le calomnie de sêtre
sauvé pendant ce temps, et cest faux. On la condamné
à un mois de prison. Il faut quil ait été
dénoncé à faux par quelque voisin. Mais pourquoi
ne men a-t-on rien dit que ce soit où tout est fait ?
Maintenant, quarrivera-t-il ? Cest une vraie calamité
pour cette maison. Que Dieu les ait en aide !
Laffaire de Régis semble sarranger.
Un sursis est accordé jusquau 1er janvier et une
supplique à M. Thiers sera présentée par M.
Ducarre [député (Rhône).
NDLR.].
Laffaire de lorgue paraît marcher. La
lettre de demande est partie depuis le 24 octobre. Mais un moment,
jai eu peur, à cause dune demande dun autel que voulait
faire le conseil de fabrique. M. J***n, député [Six
députés avaient un nom correspondant à cette
abréviation : MM. Nathaniel Johnston (Gironde),
Alexandre-Esprit Jordan (Saône-et-Loire), Pierre-Marie Jouin
(Ille-et-Vilaine), Charles-Pierre-Eugène Jourdan
(Isère), Paul Jozon (Seine-et-Marne) et Alexandre Jullien
(Loire). NDLR.],
ma promis dappuyer, et dappuyer efficacement la demande. Si nous
réussissons, ce sera un beau résultat. Mais
réussira-t-on ?
Lu le premier volume de LArt
chrétien de Pris, qui, malheureusement, ne parle que de
lItalie. Si je ne prenais des notes, ce serait dur, malgré un
style admirable et un esprit parfait ; mais cest une si
abondante nomenclature ! Je me souhaite le courage jusquau
bout.
Sombreur et craintes en politique. Que nous
réserve cette session de la Chambre ?
« Lorsque je me sens comme
pénétré par quelque pensée religieuse ou
politique, jexamine si, en ce jour où lidée mest
apparue, jétais bien en paix avec moi-même, si ce
jour-là je nai rien fait de mal, si je nai pas beaucoup
péché en paroles ou en pensées. Quand le
résultat de mon examen est mauvais, jen conclus quil doit y
avoir eu aussi du trouble dans mon esprit. La conscience est comme le
régulateur de lâme. » (Pensée de
Mickiewicz.)
Question de lorgue refusée au conseil
de fabrique. Est-ce possible ? On paraît cependant si
sûr dobtenir au gouvernement ! Il faut reprendre en plus
modéré.
Régis fait sa peine, mais avec des
congés.
Fini LArt chrétien : trop
incomplet, mais utile à lire.
Lu Les Montagnes de Dupaigne :
très instructif et intéressant ; très
chrétien aussi, ce qui double lutilité. Livre à
conseiller.
[Rayé :
« Résumé de son explication de la
Genèse, qui ma ouvert les yeux et affermi la foi »,
et lébauche en quatre lignes du résumé suivant,
finalement rédigé sous la date du 31 mai 1873. Cf.
aussi 10 juillet 1873.
NDLR.]
La Bible na pour objet que les
vérités religieuses et qui concernent
lhomme.
Elle parle la langue populaire.
Ce ne sont que des
traductions.
Pour les faits physiques, le commentaire est
libre. Mais il y aura toujours accord entre la science et la
révélation.
Tradidit
mundum disputat unibus eorum.
Dies unus sicut mille anni
(Ps[aumes] [XC, 4, mais dans la formulation de la 2e
Épître de Pierre, III, 8. NDLR.]).
Les jours de la création sont des périodes, des
progrès (Bossuet [Discours sur lhistoire universelle.
NDLR.]), peut-être des
milliers de siècles.
Époques géologiques
1° Matière des astres,
matière pondérable, qui nest pas léther
impondérable, sans lumière. Par la condensation de
notre nébuleuse, rapprochement des atomes, lumière et
chaleur. Impulsion initiale : rotation (Laplace) ;
aplatissement ; anneaux détachés ;
planètes. Époque cosmique.
2° Condensation englobe ardent liquide ou plus ou moins solidifié par sa pression vers son centre. Croûte opaque, sur laquelle leau de latmosphère sest précipitée. La surface est une mer boueuse, chaude et dissolvante. Nuages épais qui cachent tout. Jupiter et Saturne sont encore probablement ainsi. Époque azoïque.
3° Mer devient tiède, nuages
translucides. La vie apparaît dans leau par les animaux
inférieurs à respiration branchiale et plantes molles.
À la surface, exubérance de plantes sans fleurs,
marécageuses. Climat uniforme sur tout le globe : les
nuées tamisent et égalisent laction du soleil.
Époque des terrains de transition et de la
houille.
4° Épuration graduelle de
latmosphère, nuages amincis : le soleil éclaire
directement la terre. La houille, les premiers calcaires ont
absorbé lacide carbonique : respiration devient
possible. Nouveaux types peu remarquables danimaux. Époque
intermédiaire des terrains permiens et triasiques
(dyas).
5° La formation du calcaire abondant
purifie latmosphère, les climats commencent. Animaux à
respiration pulmonaire, reptiles ; les oiseaux deviennent
nombreux ; arbres qui commencent à ressembler aux
nôtres. Époque jurassique et
crétacée.
6° Ordre de choses actuel. Les grandes
saillies continentales daujourdhui. Climats plus assurés,
plantes à fleurs, mammifères, carnivores. Apparition de
lhomme. Époque des terrains tertiaires, quaternaires et
diluviens.
Daprès le texte hébreu [Genèse, I, 1 II, 3. NDLR.]
1° In principio
creavit Deus clos (clum) et
terram
léther et la matière pondérable. Et
terra erat solitudo et inanitas (invisibile et incomposita,
disent les Septante)
gaz et corps
simple. Et caligo super faciem abyssi
ténèbres
et Spiritus Dei
motalat
super faciem
aquarum
la
volonté de Dieu avait donné une énergique force
impulsive à ces fluides. Et dixit Deus : Sit lux, et
fuit lux
au moment déterminé, la combinaison des
éléments sopéra et le rayonnement dans lespace
produisit lumière et chaleur. Et vidit Deus lucem quod bona
ce rayonnement,
parfait accomplissement de sa volonté. Et divisit Deus
inter lucem et inter
tenebris
Dieu mit des
intervalles entre les espaces lumineux, que séparèrent
des espaces obscurs, anneaux successifs de la nébuleuse
primitive. Et vocavit diem lucem, et tenebras noctem. Et fuit
vespere, et fuit mane, dies unus
le soir (confusion), le matin (naissance) :
le jour hébreu et liturgique commence le
soir.
2° Et dixit Deus : Sit expansio
(firmamentum) in medio aquarum
une étendue,
un espace libre (gaz)
et sit divideras
inter aquas et aquas ; et fecit Deus expansionem et divisit
inter aquas quæ sub expansionem et inter aquas quæ super
expansionem
les séparant
de telle sorte quil y avait un océan boueux ou liquide
au-dessous de cet espace, et des nuées, poussières
liquides, au-dessus de lui. Et fuit ita. Et vocavit Deus
expansionem
cælos
latmosphère,
le
ciel
;
et fuit vespere, et fuit mane, dies secundus.
Jusque-là, hypothèse ;
dès lors, géologie.
3° Et dixit Deus : Congregentur
aquæ de sub clis
ad locum unum ; et appareat arida. Et fuit ita
rassemblement des
eaux qui prennent leur niveau. Et vocavit Deus aridam,
terram ; et congregationes aquarum appellavit maria
mers et lacs. Et vidit Deus quod bonum. Et
dixit Deus : Germinet terra germen, herbam seminificantem semen
in specie sua, arborem facientem fructum, cujus semen in ea in specie
sua. Et fuit ita : et protulit, etc. Et vidit Deus quod bonum.
Et fuit vespere, et fuit mane, dies tertius. Verdure ; le
mot traduit par germen convient aux végétaux les
plus simples : algues, mousses, etc.
cryptogames de la
houille.
4° Et dixit Deus : Luminaria sint
in expansione clorum
ad dividendum inter diem et inter noctem, et sint in signa et
tempora, et dies et annos ; et ient in luminaria in expansionem
clorum,
ad illuminandum super terram. Et fuit ita. Et Deus fecerat
(un seul temps au passé en hébreu) duo luminaria
magna : luminare majus ad dominium diei, et luminium minus ad
dominium noctes ; et stellas. Et posuerat eas Deus in
expansione cli, ad illuminandum super terram, et ad
dominandum in diem et in noctam, et ad dividendum inter lucem et
inter tenebras. Et vidit Deus quod bonum. Et fuit vespere, et fuit
mane, dies quartus. Le
soleil apparaît au quatrième jour, perçant
le voile de nuages : Ubi eras quando ponebam fundamenta
terræ ? Cum me laudarent simul astra
matutina ? Cum ponerem nubem vestimentum tuum, et caligine
illud quasi pannis infantiæ obvolverem ? (Job
[XXXVIII, 4 9, puis XXVIII, 25, XXXVII, 11 et XXXVI, 27 28.
NDLR.]) Aquas appendit in
mensura Nubes spargunt lumen suum Imbres qui de nubibus fluunt,
quæ prætexunt cuncta desuper. Et tout cela pour
diviser le temps
saisons, jours, années
, servir de
flambeaux.
5° Et Deus dixit : Reptificent
aquæ reptile animæ viventis
les animaux qui
paraissent intéressent plus lhomme que les poissons
,
et volatile super terram, super facies
expansionis clorum
animaux nageants,
animaux volants. Et creavit Deus cetos magnos
nest-ce pas lichtyosaure ? , et
omnem animam viventem
animaux
à poumons
repartem, etc.
Nest-ce
pas les époques jurassique et crétacée ?
Et fuit vespere, et fuit mane, dies quintus.
6° Et dixit Deus : Producat terra
animam viventem ad speciem suam, jumentum et reptile
un autre mot hébreu quau
cinquième jour , et
feram
terræ seminum speciem suam Espèces :
animaux domestiques, gibier, bêtes féroces. Et dixit
Deus : Faciamus hominem in imagine nostra secundum similitudinem
nostram, et dominantur in pisces maris, et volatile cli, et in
jumentum et in omnem terram Vidit Deus omni quod fecerat : et
em bonam valde. Et requievit Deus in die septimo ab omni opere suo
quod fecerat. Et benedixit Deus diei septimo et sanctificavit illum.
Voilà le but de tout le
développement : toujours lhomme est le but
théologique.
Étonnantes
coïncidences !
Le
septième jour na ni soir ni matin : sine vespere est
nec habet occasum (saint Augustin [Confessions, XIII,
36. NDLR.]). Le septième jour ne serait-il pas celui qui
naura point de fin, la vie future ? Ne serions-nous pas encore
dans le sixième jour, le jour de lhomme : patere
usque mundo operatur in vobis ?
(Alfred
Dupaigne, professeur au collège Stanislas, ancien
élève de lÉcole normale supérieure,
agrégé des sciences
physiques.)
Lu les Escalades dans les Alpes de
Whymper. Étonnantes ascensions, insensées même.
Cela ma fait vivre de la vie des hauts sommets, qui forme un de mes
plus beaux souvenirs, et ma bien impressionné.
Décidément, je ne monterai ni à la pointe des
Écrins, ni au col de Pilatte, ni même au Cervin, le plus
facile des trois. Un ou deux passages injustes et faux contre les
prêtres.
Belle course, il y a quelque temps, au lac
dAiguebelette. Chemin de fer à Saint-André-le-Gaz.
Messe et réception par la domestique du curé
curé
absent. À pied au Pont-de-Beauvoisin, et y dîner, puis
jolie route pour La Bridoire, un des [plus] jolis coins perdus qui
soient. Lac assez pittoresque, mais beaucoup de neige et pas mal
froid. Rafraîchis à Novalaise, et à la nuit
froide à Yenne : bon hôtel, mais 50
kilomètres au moins. Bien supporté la marche. Le
lendemain par Belley (où un bon déjeuner) et un joli
pays à Rossillon, doù retour. Excellents
compagnons : Pierre, Adrien B[erloty] et le silencieux
Ém[ile] Baux.
Voyage à Genève pour expertise
de deux orgues à Carouge avec M. M*** et P*** Tr[illat].
Course à Annemasse. Pauvre Genève et pauvres
catholiques, mais encore plus à plaindre les
protestants !
Que de peines pour se mettre à ces
pauvres notes !
Laffaire de lorgue de Saint-Jean en temps
darrêt, à cause des affaires politiques. Autre affaire
de placement qui ma fort contrarié. Grande colère
injuste et inutile de M. C***. Jai cette fois agi
modérément, quoique bien tristement
impressionné. Inassiduité des chapelains. Que dois-je
faire ? Me fâcher, ou plaindre, ou fermer les yeux ?
Inconvénients de chaque côté.
À Pâques, voyage à
Saint-Genest, Marlhes et Saint-Sauveur. Bonne réception
partout, mais malade et repris fatigue de lan passé. Est-ce
une course de 15 kilomètres ou plutôt un chaud et
froid ? À remarquer que déjà plusieurs fois
jai été fatigué de courses à la semaine
de Pâques.
Cette semaine, course manquée,
grâce au temps menaçant et à lindécision
dAd[rien] et de Dup[asquier]. Allé seul à
LArgentière en voiture (à la fin, peu
intéressant ivrogne). Bonne réception, surtout de
labbé Pincasson, charmant ami. Le lendemain, tous deux, par
un temps couvert mais bon et de belles campagnes, par Souzy, les
halles à Saint-Martin-Lestra, voir M. Pomjour : il vient
daller à Jas, nous y allons, y dînons, revenons avec
lui, et il me mène en voiture à Feurs,
Saint-Étienne, rendez-vous manqué comme dhabitude par
M. M***. Allé le lendemain seul au Chambon ; excellent
curé.
Hier, course avec A*** D***y et Jas*** C***,
deux bons garçons, au mont Verdun, mont Thoux, etc. Bonne
promenade.
Lu les Lettres de V[ictor] Jacquemont.
De lesprit, de lobservation, point de religion et peu dexigences
de morale. Comme voyage, peu de descriptions, ni de renseignements.
Il est curieux dy étudier les sentiments voltairiens de
lépoque de la Restauration, lenthousiasme bientôt
refroidi de la révolution de Juillet. Le manque de convictions
en fait une lecture triste et pénible.
Lu Le Dernier des Napoléon, par
le comte dApponyi. Ouvrage sérieux et assez fort.
Décourageant au point de vue de la France, quil croit perdue.
Nest-il pas trop sévère, et aussi trop
autrichien ?
Éclaircie politique. Dieu aime encore
la France. Le courage revient.
Ce qui étonne à bon droit, cest
comme les méchants, les rouges, les malveillants ont vite
été calmés et sont rentrés dans lombre.
Que cela continue, et quon en soit
reconnaissant !
Découragement pour la musique. Les
chapelains ne viennent pas aux classes de musique, et à peine
au chur, quelques-uns du moins ; le changement de place pour
chanter échoue pour le moment. La question dorgue navance
guère. Tristesse et abattement.
[« La Genèse et la
géologie » : cf. 24 février 1873.
NDLR.]
Retour de Grenoble et Voiron. Bien accueilli
par lévêque, qui paraît homme dinitiative.
Étude dhommes : les plus chaleureux ne sont pas les plus
sûrs ni les plus intelligents.
Et le voyage de cette année : il
sannonce bien. Mais le choléra ne viendra-t-il pas
contrarier ?
Quel est donc le motif de Tr[illa]t ? Je
ne puis comprendre. Il semble que je sois brouillé avec
P[agn]on : quai-je fait ? quel avenir poursuit-il ?
Quil y a besoin souvent de tout remettre entre les mains de
Dieu ! Car il y a bien des choses
sensibles !
Des espèces,
darwinisme,
etc. : échafaudage de déductions prétendues
scientifiques, essayant de prouver que la vie émane de la
matière inerte. Précurseurs de Darwin : de Maillet
et Lamarck. Daprès eux, lhomme descend immédiatement
du singe, médiatement dun monite ou dun protiste.
Tout repose sur une hypothèse, celle de la
création du monite, et une négation,
celle de lespèce.
Sélection artificielle (croisements des
animaux domestiques).
Sélection naturelle. Le monite, petite
bête grosse comme une tête dépingle
est-ce
une plante ou un
animal ?
, autrefois seul sur terre, a donné naissance à
des protistes, puis à des animalcules petits, puis plus gros,
puis à de petits poissons, puis à des gros, puis
à des oiseaux, éléphants, singes, hommes,
etc. !!! Pas plus difficile que cela.
Le monite est une matière
gélatineuse sans enveloppe ni organisation intérieure.
Dabord se produit un étranglement, puis une
séparation, qui forme un deuxième
monite.
Mais pour chaque changement, il faut une
révolution du globe : que de
révolutions !
Quon montre une seule espèce qui ait
été transformée, une
seule !
Et encore, avant le monite, quy a-t-il
eu ? Et pourquoi tous les êtres ne sont-ils pas devenus
hommes ?
Ils expliquent ainsi lorigine des mauvais
instincts de lhomme, mais doù viennent les bons
instincts ?
Ils prétendent que lon a bien les
intermédiaires jusquau singe, mais entre le singe et lhomme,
les états intermédiaires, singes plus
perfectionnés, ont disparu, et manquent, soit que leurs
fossiles naient pas été découverts, soit que le
continent qui les portait, placé entre lInde et lAfrique,
soit actuellement recouvert par la mer.
Et on dit cela sérieusement !
Doù vient donc la mémoire ? et la
conscience ? Les quelques ressemblances entre lhomme et le
singe ne sont que pour le côté instinctif,
matériel et peu important.
Et le langage ?
Voilà Camille, mon neveu, qui va faire
son année de service. Peine et inquiétude. Cest la
vie. Mais comme le dit sa mère : Que voulons-nous, sinon
la volonté de Dieu ? Et que cela console ! Mais que
de soucis, dangoisses vont suivre !
Et la politique Quelle heure
suprême ! Pourtant, on ne peut croire que Dieu ne veuille
pas sauver la France.
Lorgue est accordé par le
gouvernement : 24 000 francs. Mais nouvelles oppositions,
à cause des dépenses supplémentaires du buffet.
Cependant, au ministère, on est disposé à donner
plus. Aussi, il nest guère possible quon puisse mettre des
entraves bien efficaces. Cependant Quil est donc difficile, ardu de
faire ce quon croit bien ! et quil est plus facile de suivre
la bonne petite routine ! Et que cela est encore plus vrai au
spirituel et pour son âme !
Le beau voyage de ces vacances sest fait
heureusement, sauf la petite indisposition de
G[eorges], qui ma si fort inquiété ; sauf aussi
sa douleur de famille, qui a manqué nous séparer.
Quelques tiraillements avec lui, peu durables, et aussi avec
D[emoustier], froid, mais très égal de
caractère. Nai-je pas été trop
sévère avec lui ? Et lai-je mis suffisamment
à laise ? Je suis heureux quil aille à
Chambéry avec Camille ; il lui sera
utile.
Lu La Russie contemporaine de
Léouzon-le-Duc : intéressant mais
déjà ancien (1854). La guerre de Crimée,
lavènement dAlexandre II, laffranchissement des serfs et
bien dautres choses sont venues depuis et ont profondément
modifié la Russie.
Paul part aussi demain pour Paris, où
il fera son année de service. Jespère quil pourra
être organiste à Saint-Jean. La Providence semble tout
arranger, comme elle a rapproché ceux qui semblaient se
diviser.
Course à Ambérieu il y a quinze
jours. Pu aider à sauver la vie à deux vieillards,
presque asphyxiés dans une cuve en foulant la vendange. Quil
en faut donc peu pour mourir ! Les Bonnet sont très
courageux et Édouard a beaucoup
dinitiatives.
« Et ceci aussi passera. »
Devise mise sur un blason dans un anneau. Très belle et utile
maxime, et dans le prospérité et dans
ladversité (attribuée par la légende à
Salomon).
Et la politique ? Et la lettre du comte
de Chambord ? Que cest noir !
Monseigneur a dit de commencer au plus
tôt les travaux de lorgue.
Faites des projets de plaisirs, de joies, de
jouissances ; il suffit dun petit mal de dents, dun rein pour
tout empoisonner.
Où allons-nous ? Qui peut le
savoir ? Labbé Magne nommé secrétaire du
vicaire général de Saint-Étienne. Plus de
soliste basse ! Dur commencement dannée. Point daltos,
qui cependant se formeront passables. À la garde de Dieu, qui
gardera bien dautres choses.
Je lis les Mémoires du cardinal
Consalvi. Grand intérêt ; évidente
véracité. Je lis aussi la vie de saint Pie V de M. de
Falloux : intéressant aussi.
Ouf ! quelle semaine ! Mercredi, on
a commencé à démonter lorgue ; explication
orageuse entre M. de S[erre]s et M. M***n, explications moins vives
avec M. G***t. Jeudi, de nouveau, longues explications ;
témoignages de mauvaise humeur ; puis il fallait savoir
si M. Bélédier revenait encore jouer, si je fais
lintérim, si lharmonium fait le même service que
lorgue, etc. Négociations, diplomatie, etc. Et que
lharmonium est pénible à jouer et peu
consolant !
Mort de M. Brun (93 ans), facteur dorgues,
pour qui, le premier, les orgues nont pas joué. Et le vieux
souffleur, mort aussi le lendemain du
démontage.
Je suis nommé dans une commission pour
voir si lon peut reprendre dans le plain-chant les anciens chants
communs. M. Thibaudier, président, MM. de Serres, Drevet,
Gourgout, Merley, Vachet, et moi. uvre peu facile à faire
bien.
Première séance de ladite
commission. M. de Serres sélève avec force contre tout
changement. Ne manque pas dune certaine érudition. Semble
cependant pouvoir consentir à un supplément
rétablissant certains chants communs des messes et surtout des
saluts. M. V[ache]t très porté à ne point faire
de changements, ce qui métonne. M. M[erle]y absent. M.
G[ourgou]t assez neutre. M. D[reve]t et moi seuls pour le
rétablissement, dune manière formelle. M. T[hibaudie]r
préside bien, mais un peu longuement.
Le second souffleur est mort aussi de suite
après lenlèvement de
linstrument !
Hier, rendez-vous vers lorgue entre M.
Desjardins et M. Merklin. La place est un peu large, mais Dieu nous
donnera de conduire tout à bien. Lharmonium est
pénible, peu satisfaisant pour jouer seul et accompagner le
plain-chant, mais la musique nen va pas plus mal.
Achevé les Mémoires du
cardinal Consalvi. Quatre parties : le Concordat, le divorce de
Napoléon, vie privée, ministère dÉtat.
Conséquemment, des redites, mais écrit simplement,
véridiquement, sans passion. Caractère beau de
désintéressement, de courage, de présence
desprit et de dévouement. Les mémoires
sarrêtent en 1812.
Anniversaire de lan passé ; M.
P***rd me dit ce matin que lon ne paiera rien pour lharmonium, ni
pour celui qui me remplace à la mesure ; quon est trop
furieux contre moi davoir fait enterrer lorgue pour un an, quon
aime tout autant que je laisse tout de côté. Jai
été modéré, mais que de
souffrances ! Que faire ?! Si sa parole représente
lopinion de la fabrique et du chapitre, je nai quà men
aller ; mais jaimerais mieux quils me donnent ma
démission. Les jours se suivent sans se ressembler. Hier, M.
H[ignar]d me demandait si jaccepterais quil fît prudemment
des démarches pour me faire recevoir à
lAcadémie de Lyon. Le bon Dieu veut me montrer le
néant de toute faveur humaine ! Quil me
conseille !
Je viens de Chambéry. Pauvre cher
Camille, parfois dans les noises. Ce qui le tourmente, cest lexamen
de la théorie. Toujours bon, prévenant, toujours pieux
et délicat de conscience. Nous avons fait ensemble une douce
promenade sur les hauteurs. Bonne soirée avec ses
compagnons : Guillot et Jubin surtout très bien. Quelle
vilaine chose que la guerre et tout ce qui sensuit ! Quelle
triste chose que le plus grand ennemi de lhomme soit lhomme
lui-même !
Lu les Principes dune véritable
restauration du chant grégorien, de labbé J[ules]
Bonhomme : très intéressant, bien raisonné
en faveur de lédition de Reims, basée sur les
manuscrits, quils ont pour principe de ne jamais abréger.
Très opposé à lédition Lambillotte,
basée sur le manuscrit de Saint-Gall, volontairement
écourté ; à lédition de Rennes,
basée sur celle de Nivers, abrégée ;
Valfrey, édition Malines, sur lédition de Giovanelli
(grado de Paul V), successeur de Palestrina,
écourtée aussi, et sur lantiphonaire de Liechtenstein,
de Venise. La nouvelle de Ratisbonne est aussi basée sur ces
deux livres.
Fin de la commission du plain-chant. On a
évité le retour à lancien
à
lunanimité, mais M. de S[erre]s était parti
auparavant. Maintenant, on va nommer une autre commission,
dexécution. Gare à moi !
Marseille. Parti pour Oran. Il men a
coûté beaucoup pour partir, peu davance, mais beaucoup
au jour dit. Venu ici avec J*** Jourdan, très bon, et
abbé Brat, bon mais peu en train. Retrouvé ici
Régis et M. D*** Lafont. Pris les premières à
cause deux. Messe à Notre-Dame-de-la-Garde. Belle ville que
Marseille, grandiose ; beaux aspects. Lonel-Joseph est
notre bateau, très confortable et plus grand que je ne
pensais. À la garde de Dieu pour moi et pour tout ce que je
laisse !
Partis à cinq heures trois quarts,
après avoir flâné un peu en ville près de
la cathédrale non finie encore. Mer bientôt très
grosse et forte. Après le premier repas, je prends le mal de
mer très fort ; malade toute la nuit et le matin, je puis
cependant dîner. M. Brat, très fatigué, a lair
encore plus malheureux que de coutume. M. D*** Lafont reste
couché. Régis renonce même à
déjeuner. Sur le soir du 13, le vent se calme, le ciel, de la
pluie, passe au beau. Je vais mieux. On voit lîle de Majorque
à travers les brumes.
Très beau temps, serein et clair ;
mer calme. Quel plaisir ! Belle vue sur les côtes et
montagnes dEspagne. Golfe dEscombreras, cap Maloz. Vrai plaisir
à voyager, maintenant. Les côtes peuplées sur
certains points, désertes ailleurs, montagnes incultes. Pauvre
Espagne.
Portman,
fabriques
et passim.
Vu Carthagène. Nombreux souvenirs
dEspagne. Ville bombardée en ruines, presque aucune maison
qui ne soit atteinte. Grand cocher espagnol. Aucun mouvement.
Malheur. Pauvre cathédrale. Monté à un ancien
fort ; belle vue sur le port, la ville, les rochers qui portent
les forts, la plaine à jardins de palmiers et de cactus.
Journée de vrai plaisir.
Le soir, à bord. Musique du bord ;
quels instruments ? un accordéon pour tout chant ;
essai de bal sur le pont ; flammes du Bengale, fusées.
Nuit très calme. Arrivée à Oran avant 7 heures.
On ne voit de la mer que peu de la ville : Notre-Dame-du-Salut
et quelques forts.
Nous allons dire la sainte messe à la
cathédrale, guidés par le sacristain, quon nous a
envoyé.
Très bon accueil de Mgr Callot, à léglise dabord, puis chez lui. Cathédrale peu importante, le chur ancien, la façade jolie, vaste crypte, nef non voûtée. Lévêché et le grand séminaire à une heure de la cathédrale, en pleine campagne ; jardins fleuris et odorants. Après dîner, retour à la ville. Premier essai dorgue, lequel est malheureusement trop en retrait dans une tribune pas assez haute. Larchitecte a fait là une grosse erreur. Réception manante de M. F***, chanoine, parce que nous avons été en retard.
Visites le matin pour tout préparer
avec le charmant et complaisant abbé Dézizaux,
aumônier de Monseigneur, larchitecte, M. Viala, M. de
Prébois, chef de gare, Mme Servel de Conty, Mme Castaing, M.
Albert Grand, M. Daniel, M. Buhl, organiste titulaire, M.
Wilhelm, facteur, M. Reynaud, organiste de Karguentah, M. Velmet,
idem de Saint-André, M. Calmels, chanteur, etc. ; ces
visites occuperont plusieurs jours. Après-midi, avec
Monseigneur et M. Brat, à Miserghin ; belle
végétation sur la route, fermes, tour Comba ;
trinitaires, supérieur ressemblant à M. Duplay ;
arabes converties ; bon pasteur, M. Héraut ; maison
du père Abram, ses jardins, mandarines, oranges et
bananiers.
Courses et visites ; le
général Osmond. Le soir, pièce chez les
pères jésuites.
Les Cendres à la cathédrale,
puis visites et préparations.
Le matin, charmante promenade : village
de Gambetta, puis ancienne redoute espagnole, et descente par de
vrais rochers des Alpes et un charmant sentier au bord de la mer, sur
des rocs creusés par les eaux. Le vent est fort, les flots
mugissent, lécume ressaute ; trop courts moments.
Labbé D[ézizaux], charmant et sympathique jeune homme,
très complaisant.
À 3 heures, expertise
nombreux experts
très satisfaisante. Je suis le
plus sévère. À 5 heures, exercice avec Mme
Servel de Conty et Mme Castaing : la première, voix
éclatante ; la deuxième, plus sympathique organe.
M. Al[bert] Grand un peu nasillard. M. Calmels, assez joli
ténor. Le soir, collation à la cure, puis soirée
chez M. Calmels : musique encore ; M. de Prébois,
chef de gare, bon artiste et serviable ; M. M*** Termonist, M.
Moulin, le vice-consul dEspagne, etc.
Repos. Avec M. Dézizaux et M. Brat
à Miserghin ; auparavant, je range deux morceaux de
musique pour les zouaves. M. Héraut vient nous prendre et nous
mène en voiture de place. Le père Abram nous
mène de suite aux moulins. Tête grande, longue et
intelligente du père, ancien compagnon de Monseigneur de Lyon.
Les moulins sont dans un vallon où sont les sources qui font
la richesse de Miserghin ; admirable végétation.
Excellent dîner au moulin, servi par les frères :
vin de Noé, cest-à-dire de vigne vierge, liqueur de
mandarine, huîtres, rougets, etc.
Nous remontons voir les sources dans le ravin
voisin, surtout celle qua découverte le père Abram
à laide dun plomb tournant ; avec labbé
Dézizaux et labbé Allier, nous traversons la montagne
et rejoignons la voiture. Salut au bon pasteur, puis salut chez P***
Abram, mêlé de notes fausses et de préaux, puis
leçon de chant au bon pasteur sous la direction de deux surs
irlandaises. Soirée et coucher chez M.
Héraut.
Retour à Oran. Pluie le matin, boue. Le
beau temps revient à la cathédrale puis à
lévêché ; dîner avec mon cousin
Régis, M. D*** Lafont et les deux ouvriers Vogt et Donnhausen.
À 3 heures, exercice avec le chef de musique du 2e
zouaves et quelques chanteurs. Le soir, sept heures et demie,
séance dinauguration. Le Saint Sacrement enlevé ;
un peu trop de chemin. Vrai succès. Pastorale de M. de
Prébois. Je joue assez bien la prière et marche des
Ruines dAthènes, moins bien les Souvenirs
(fantaisie sur des noëls). Les chants, très
bien.
Après dîner, course avec
labbé Dézizaux, toujours charmant. Oran et jardin
public ; belle vue. Route de Mers-el-Kébir : route
en corniche, tunnel ; bains de la reine, au bord de la
mer ; Sainte-Clotilde, Saint-Jérôme ; à
droite, Saint-André et Mers-el-Kébir. Nous prenons
fantaisie de gravir la montagne ; chaleur étouffante.
Divers sommets, arête den haut ; vue admirable. Campement
arabe. Nous suivons par larête pour gagner le marabout ;
épines et palmiers nains. Tout à coup, le marabout nous
apparaît loin, loin, trop loin : inquiétude ;
nous pressons le pas. Ravin. Cependant, nous y voilà, et par
une forte descente, bientôt à Saint-Louis, suant et en
grande soif. Détour militaire. Peu de monde. Organiste de
Mostaganem, protégé de M. Dieterich ; M. Grand
chante ; organiste du père Abram (assez content). Course
qui laisse un doux souvenir.
Visites encore. Le soir,
bénédiction de lorgue, allocution et divers morceaux.
Séance encore meilleure que la première, plus
respectueuse ; presque autant daffluence. Après la
cérémonie de bénédiction, laquelle se
fait très bien, je joue une fanfare qui réussit et des
adieux qui disparaissent ; lAve Maria de Cherubini
presque applaudi. Articles de LÉcho dOran, du
Courrier et de LAtlas.
Repos, mais visites encore. Beau sabre du
général, mauresque. Dîner avec les artistes chez
Monseigneur. M. le curé et les histoires de Pélissier.
Visites dadieu. Tristesse.
Départ. Labbé Dézizaux
maccompagne à la gare. Tristesse mêlée dun peu
de désappointement : pourquoi sattache-t-on si vite et
si fort ? la vie nest que séparation, et chaque fois, il
semble quon laisse une partie de soi-même.
Départ avec Vogt et Donnhausen. Vastes
plaines bordées de montagnes. Saint-Denis-du-Sig ; belles
cultures. Relizane ; déjeuner maigre sur commande par
télégraphe. Orléansville ; le pays devient
plus accidenté. Le Chélif, rivière qui a de
leau. Affreville. Dîner manqué. Arrivée à
Blida vers 10 heures ; les hôtels pleins ; coucher
à celui du Roulage.
Bonne nuit pourtant. Dit la sainte messe
à la très convenable église paroissiale ;
accompagné par M. labbé Thuin, de Paris ; jeunes
vicaires. Jardiniers ; très superbes oliviers, les plus
beaux que jaie vus. Orangeraies tout autour de la ville ; les
oranges sont déjà toutes
récoltées.
Chemin de fer à Alger. Boufarik, maison
carrée, vue splendide sur Alger, carrière de marbre ou
de plâtre. Aspect étrange, féérique,
surtout de la ville haute. Vogt et Donnhausen mattendent au
débarcadère. Je vais chez le curé de la
cité Bugeaud, M. Cassan, froid mais très bon
cur ; sa domestique, Marie, de Saint-Étienne.
Après dîner, venu en ville, monté par les rues
arabes à la kasbah ; rues étranges, en
escaliers ; les maisons se rejoignent ; encorbellements par
des troncs soutenus par dautres troncs. Aspect incroyable :
aussi oriental que Le Caire, moins lart, et encore beaucoup de cours
à arcades. Belle vue de la kasbah. Vu les mosquées de
***, assez belle, et de la Pêcherie, très
intéressante, souvenir lointain de Cordoue. Vu
larchevêché, beau palais arabe ; Monseigneur
minvite à dîner pour demain. Vu le musée, beau
palais arabe. Tous palais du dey.
En voiture au jardin dessai, loin Belles
allées de palmiers, de lataniers, de bambous surtout, de
platanes, etc. Autruches. Visite à M. Compte-Calix, à
M. Ribollet. Monté à Saint-Eugène par
Notre-Dame-dAfrique, beau de dehors plus que dedans ; belle
vue, ex-voto, palais de larchevêque au-dessus du petit
séminaire arabe. Personnalité de Mgr Lavigerie. Le
père Chevalier (dUsson). Élèves arabes, leurs
chants.
Le soir, promenade en ville. Pluie et mauvais
temps. Salut à la cité Bugeaud.
Promenade en ville, achats. Synagogue. Pluie
et temps atroce. Embarquement sur
LImmaculée-Conception.
Bientôt, nous roulons à plaisir.
Vue cependant le plus longtemps possible sur Alger. La tempête
augmente et des vents furieux le soir ; nuit
épouvantable, et le mal de mer Cris des femmes. Le dimanche,
soirée un peu plus calme à cause des îles
Baléares, à gauche desquelles on passe. Le lundi matin,
côtes dEspagne, le Montserrat, le Canigou, cap
Saint-Sébastien, cap Creus. Le temps devient meilleur et calme
en arrivant le soir à 7 heures à Marseille. Pris
lexpress du soir pour Lyon.
Voilà longtemps dinterruption. Pendant
ce temps, que de misères pour lorgue ! Choses dures
à entendre, peu charitables à consigner. Et cependant,
nest-ce pas pour le bien que je lai fait, et nest-ce pas dans mes
attributions ? Espérons que Dieu me comptera cela comme
souffrance pour la justice. Tout de même, Monseigneur na pas
voulu entendre parler de la question du supplément, et nous a
reçus aussi assez durement. Jai dû lui écrire
après pour justifier ma conduite. M. Thibaudier a
été bon pour moi. Cest fâcheux, très
fâcheux pour lorgue. Quy faire ?
Belle course à Pâques.
Rendez-vous à Saint-Sauveur, où jétais
allé avec Joseph, sauf à le laisser revenir seul
à Lyon, avec Dupasquier, Teillard et Paul Journoud. Par
Taillard, où nous nous perdons et grimpons raide, à
Cellarier, puis au Fulletin. Il y fait froid, mais pas de neige, et
assez belle vue. Les baraques, omelette et gracieux
octogénaire. Arrivée de nuit à Lalouvesc. Paul
subitement fatigué ; maux de cur, froid, etc. ; il
se rétablit au lit.
Belle église ; on construit la
nef ; aspect de solidité magistrale, grâce et
noblesse ; autel en pierre émaillée, un peu trop
coquet, peut-être. Départ en voiture pour
Saint-Bonnet-le-Froid. Il neige. À pied à Montfaucon.
Le temps sest radouci. Il fait faim. Assez jolis vallons sur la
droite. Après dîner, à pied par le pont du Saut
de la Vache (à droite, le château ruiné de
Dunières), Flaminge, près de Saint-Pal, où nous
tirons à gauche vers Sainte-Sigolène. On y prend un
guide pour le Pont de Lignon, lequel guide se trompe, nous
égare de Cublaise en Pouzol, nous amène à des
carrières de pavés cubiques, où nous descendons
comme nous pouvons, puis au Pont de Lignon, second pont sur la
Loire ; nous arrivons à la gare pour voir partir le
train. Paul est fatigué du harassement subi. Trouverons-nous
à coucher ? Auberge de peu dapparence : souper en
compagnie peu avenante. Coucher loin, tous en une chambre. On
eût cependant bien dormi sans les ronflements de
Jules.
Cest dimanche. La messe à Beauzac, qui
est loin. On revient à la gare. Déjeuner, puis
départ. Belle gorge de la Loire. Vers midi, arrivée au
Puy. Vite à la cathédrale ; escalier et
porche ; la nef, si singulièrement suspendue sur
voûtes. Suites de coupoles, belles lampes du sanctuaire.
Magnifique cloître roman, comme la cathédrale. Rocher
Corneille, mis en promenades ; belle statue de la Vierge, de
Bonnassieux ; nous y montons. Rocher Saint-Michel, vieille
chipie de guide ; chapelle romane qui suit
irrégulièrement les contours du rocher ; beaux
chapiteaux. Je suis un peu las, mais de la bonne bière nous
remonte. Départ pour Le Monastier, par Taulhac, où nous
quittons la plus grande route, prenons un petit col pour descendre
à Coubon, traversons la Loire, visitons une église
ancienne, montons rejoindre la route de Largentière à
Arsac. Halte dans une auberge envahie. Il fait nuit. Rencontre dun
Alsacien fixé dans le pays, qui nous guide un moment. La
pluie. Arrivée tard au Monastier. Bon
hôtel.
Très belle église romane, grande
et bien conservée. Il a plu beaucoup. Descente par des chemins
à Chadron, pauvre petit village ; bu du vin pitoyable.
Ensuite, joli chemin par les prés, les bois, dominant la Loire
encaissée. En face, Solignac et belles ruines où nous
regrettons de ne pouvoir aller, puis Cussac ; nous laissons
Poinsac et son château à droite et descendons à
Coubon. Montés à Bouzols ; ruines importantes
plutôt que belles, peu de restes darchitecture ;
cependant, quelques peintures conservées encore. Nous
descendons sur la route, qui devient longue. À Brives (non la
Gaillarde), Paul de nouveau fatigué. Les quatre
kilomètres qui nous séparent du Puy par Bellevue
lui coûtent à faire.
Départ assez matinal. La route, qui
bientôt borde la Loire, encaissée et pittoresque. Joyeux
colporteur qui nous dépasse souvent avec sa petite charrette
à bras. Spéculation manquée à certain
coude. Nous trouvons à peine à déjeuner au joli
village (belles ruines) de Lavoûte-sur-Loire. Puis nous
continuons. Route encore par Saint-Vincent jusquà Vorey.
Là, un brave facteur nous mène et nous indique le
chemin. Joli petit chemin ; la Loire est magnifique.
Chamalières. Splendide église dabbaye bien
entretenue ; une seule nef, excepté autour du
chur ; très intéressante. Pauvre village. Nous
prenons ici le chemin de fer ; à Monistrol, nous
hésitons si nous nous arrêterons, suivant le
projet ; mais nous filons. Dîner à
Saint-Étienne, puis départ et rentrée à
Lyon.
Fatigue destomac toujours persistante,
constipation, etc. Remèdes énergiques ; douches
écossaises. Quadviendra-t-il ?
Essayé lhoméopathie.
Amélioration sensible ; est-ce à cause de cette
médication, est-ce à cause de bains sulfureux ?
Pourtant, pas encore guérison, il sen
faut !
Fini La Palestine de Vict[or]
Guérin : dur à lire, sec, mais très savant.
Annoté sur la carte de Van de Velde.
Je corrige les épreuves du plain-chant.
Ce qui donne assez doccupations. Sera-ce au moins bien fini aux
vacances ?
Avant-hier, à Terrenoire, pour
ladoration perpétuelle. Bon accueil, mais quelle
nuit !
Rien de nouveau pour lorgue, qui marche peu
à peu.
M. le Supérieur de Saint-Jean a
annoncé à labbé M[erle]y sa nomination à
Saint-Jean, lui ajoutant que la seule objection faite par
quelques-uns était son intimité avec moi. On avait peur
que tout son temps en dehors des classes fût chez moi, etc.
Toujours la même petite mesquinerie et les mêmes
ombrages. Il a ajouté cependant quil était vraiment
mon ami, quoique parfois obligé de dissimuler. Que de choses
singulières pourtant ! et quelle injuste
appréciation le plus souvent ! Mais lui, abbé
M[erle]y, est un bon cur, qui en cette qualité peut avoir
bien à souffrir.
De retour dun curieux, intéressant,
beau voyage. Les Cévennes, lHérault, un peu des
Pyrénées, le Lot, lAveyron, etc. Lourdes,
Rocamadour, Conques, Pouey. Mon neveu dix jours, Dupasquier
trente, Gollot dix. Grande chaleur, beaucoup de force pour la marche
et la montée. Maigri encore (15 kilos depuis un an).
Santé bien meilleure, mais après chaque repas, je
tremble. Je ne crois pas être guéri complètement.
Toutefois, cest bien nerveux.
Ma domestique, Madeleine, ma
quitté : quel service ! Je ne leusse pas
renvoyée, mais quil y avait à souffrir et que son
service métait pénible et peu sympathique !
Jespère avoir bien rencontré en Marianne : un peu
susceptible et ombrageuse, un peu de verbiage, mais adroite et
convenable.
Fini de corriger les épreuves de
plain-chant, en voyage. On parle encore peu de cette
question.
Lorgue se monte dans les ateliers ; il y
aura un retard considérable. Gare ! Jai peu de courage
pour supporter les misères. Que Dieu me vienne en aide !
M. Ch***t a bien accueilli Paul, et lui a donné tout
espoir.
M. Perroud mort pendant mon voyage, M. Dallery
le remplace. Grande perte pour la maison de Saint-Jean. Je suis
heureux de le conserver.
Et la question de lAcadémie de Lyon,
où lon me fait espérer mon entrée, ce dont jai
fait une demande bien accueillie. Cest pour décembre, mais
ny aura-t-il pas des obstacles, des misères, des
ombrages ? Encore à la garde de
Dieu !
Que jaurais à dire pour lorgue,
où de nombreux orages au sujet du retard ! On affecte
cependant de ne pas parler de moi en cette affaire. Longue
explication avec M. de S[erre]s, assez bonne, mais japprends ensuite
quil a fait, auprès de M. B***n, une demande pour lui faire
retirer sa démission : et pourtant, nayant pas encore sa
réponse négative, il me disait que ladmission de Paul
ne souffrirait pas [de] difficulté !
Chez moi, moins dinquiétude, mais plus
de dégoût.
Dieu a aplani les difficultés pour
Paul : le voilà organiste depuis dimanche dernier ;
cest un grand soulagement pour moi, une victoire, un encouragement.
Merci au bon Dieu !
Apaisement pour lorgue ; jai
mené M. de S[erres] chez M. Merklin ; a été
enchanté ; ma expliqué quil avait vu que M.
B***n ne pourrait, à cause de sa santé, revenir
à Saint-Jean. On a pris le parti dattendre plus patiemment
jusquau mois de janvier pour lorgue. M. de S[erres] veut même
demander le supplément de lorgue à Monseigneur. Encore
merci au bon Dieu !
Je pars après-demain pour une
tournée de séminaires, pour la musique. Dabord
Verrières. Grosse fatigue.
Je finis aujourdhui mes visites
préliminaires pour lAcadémie. Que Dieu fasse pour le
mieux ! Je suis bien reçu partout et on a lair de ne pas
mettre en doute mon admission. Mais Dieu sait ce quil me faut :
quil le fasse !
Ma domestique assez susceptible, dhumeur peu
égale. Shabituera-t-elle, et moi à
elle ?
Ma santé un peu meilleure quant
à lestomac, mais avec fâcheux retour assez souvent. Les
reins souffrants assez souvent.
Peu lu ces temps-ci, jai eu tant de diverses
occupations !
Je pars demain ; gare au froid ! Que
Dieu bénisse ce nouveau travail ! Ce ne sera pas peu de
chose.
Très bien accueilli. Rencontré
M. le Supérieur à Saint-Just. Vu en passant le
supérieur de Mouthiers, bon mais aujourdhui distrait, et
labbé Germat, chargé de la musique. Bon abbé
Chaune, mais il tient trop à sa musique instrumentale. Tout
concours possible de lui et de labbé Collin.
Réunion
des sopranos et altos, les voix ayant été
déjà classées et analysées. Il y aura
bien à faire pour les voix denfants. Mais je crois que nous
arriverons. Santé excellente aujourdhui. M. le
Supérieur a grande envie du grand harmonium
M.
Deux classes de musique, et même trois,
car une prend les voix dhommes. Celles-ci peu franches et baissant
un peu. Les altos se perdent souvent. Les sopranos se
développent déjà assez bien. Fait étudier
lAdorate Jesus infant et lO sanctissimus. Assez bien
obtenu la voix de fausset des enfants. Fait aussi
répéter un cantique à lunisson à deux
churs.
Un peu fatigué de lestomac ce soir, et
forte migraine. Vu, ce soir, un très bel arc-en-ciel,
très marqué, formé par le clair de
lune.
Classes ce matin, pour les enfants dabord,
puis pour les grands, trois quarts dheure chacune. Ce soir, classe
de plus dune heure pour tous. Après dîner et
Magnificat en faux-bourdon, plus un autre cantique,
repassé le tout. Ce soir, un peu de lassitude chez les
élèves.
Estomac bon, mais larynx un peu souffrant, ce
qui minquiète : il y a longtemps que je nen ai
souffert. M. Ch*** nous paye un punch ce soir. Je réclame pour
en offrir un samedi.
Hier, exercice général de la
communauté à la chapelle : plain-chant à
deux churs, et cantiques aussi. Les grands ont de la peine à
ne baisser point ; lharmonium les retient mal ; cest une
habitude à prendre. Les enfants chantent bien juste, et en
fausset peu nombreux ; les autres sy joindront peu à
peu. Après
dîner, promenade avec le bon jeune abbé Colin, dun
très bon esprit et de très bonne volonté, vers
Chazelles-sur-Lavieu et lancien château de La Pierre. Le
soir, classe de musique pour les enfants, assez bonne. Si on peut
continuer à accompagner tous les chants et à les tenir
en fausset, et les grands à la voix très
modérée, nul doute que la réforme ne
saccomplisse, même facilement. Classes de musique aux enfants
ce matin, à tous ce soir : assez bonne ; mais pour
continuer, il faut un harmonium dabord, puis que M. Chaune entonne
cantiques et plain-chant. En aura-t-il le temps et la force ?
Oui si, se méfiant moins de lui-même, il se met de suite
à lharmonium. Cest une nature bien artistique et bien
dévouée.
Santé
excellente, sauf le mal de dent par suite dune cassée. Bonne
soirée chez moi, très gaie, avec quelques-uns de ces
messieurs.
Reçu triste lettre de labbé
T[rilla]t au sujet de lorgue. Ses craintes doivent cependant
être exagérées, mais si le résultat se
mesquinisait, ce serait déplorable. Il sera donc dit que cette
malheureuse affaire ne maura donné jusquau bout
quinquiétude et ennui. Mais celui-ci était des plus
forts. Espérons quil en sera de cela comme de presque tout,
où ni tout le mal ni tout le bien prévu
narrive.
Quelle douce semaine jai passée
ici ! Quelle tranquillité ! Je crois que je pourrais
être heureux dans un pareil séjour. Ce matin, toute la
communauté : les voix dhommes ont toujours grand-peine
à tenir le ton. Ce soir, excellente répétition
à la chapelle : belles voix denfants, belle
sonorité.
Quelle belle nature que celle de M. le
Supérieur ! Explication de son beau plan décole
de français pour les montagnes de Marlhes, afin
déviter aux paysans riches denvoyer leurs enfants se
corrompre à Saint-Étienne et ailleurs. Vraiment, on y
serait heureux aussi. Mais quest-ce que le bon Dieu demande de moi
et à quoi me destine-t-il ? Et voilà
quaprès-demain, il me faut rentrer dans cette agitation de
Lyon et de Saint-Jean, dans le tumulte, lennui, le trouble, tout ce
qui nest pas le bonheur, hélas !
Les exécutions daujourdhui, sauf un
peu celle du tout matin, très bonnes, vraiment bien bonnes.
Tout le monde très content. Mais le pauvre abbé Chaune
est malade. Le curé enthousiasmé des vêpres.
Délicieux cantique : demain, quon publie, etc. Charmante
maison, charmant et simple corps professoral, pas de coteries, de
laveu de tous. Et il me faut rentrer à
Montbrison. Jai commencé ici. Le
supérieur bon, mais un peu froid, laissant faire avec
bonté. Abbé G[ermat], chargé de la musique,
porté de beaucoup de bonne volonté ; belle voix,
de lentrain. Abbé Conil, etc. M. Lachmann ! Hier,
choisi les voix et fait une classe qui a bien réussi. Soprano
de 19 ans. Assez de sopranos ; bons altos peu nombreux ;
passables ténors, basses peu profondes. Le chant à la
chapelle affreux de cris, de baisse, etc. Élèves
portés de bonne volonté.
Je suis reçu à lAcadémie
de Lyon, à lunanimité, moins un bulletin blanc,
tombé, me dit-on, probablement par erreur. Tout le monde a
accueilli la nouvelle avec beaucoup de bienveillance. On est trop bon
pour moi. Que le bon Dieu soit indulgent pour
moi !
Lorgue marche à bien, grâce
à des additions de soufflerie.
Les classes se succèdent : trois
aujourdhui, dont une à toute la communauté. Les
cantiques ne sont pas bons, mais cest plutôt la faute des
cantiques que des chanteurs. Les musiciens se forment assez bien.
Nous aurons dimanche, je le pense, quatre offices. Labbé
Germat, bonne volonté, assez intelligent. Tous ces messieurs
très bons pour moi. Le supérieur très bon aussi,
mais peu dinitiatives, grande différence avec M. Chaune, mais
non comme bonté.
Très bien chanté hier à
tous les offices. La bonne volonté de tous ne sest pas
démentie un moment. Quatre offices. Affluence au beau salut.
Excellents résultats obtenus. On ajoutera aux classes de M.
Lachmann, lesquelles seront consacrées au solfège et
à la préparation des morceaux profanes, deux sections
le dimanche à 9 heures et un jour de la semaine de six heures
trois quarts à sept heures et demie du soir, pour les
cantiques et la musique religieuse. On pousse aux cantiques de
Saint-Jean et le supérieur men a commandé
déjà deux douzaines. Très fatigante, mais
très agréable et fructueuse semaine. Plus de fruits
prochains quà Verrières. Et maintenant, il faut
partir, et quitter ces messieurs qui se sont, je crois, bien
attachés à moi, et cest réciproque. Hier,
à souper, jai remercié les élèves, leur
ai donné et mes avis et une promenade. Bon supérieur,
peu entrain, scrupuleux, mais qui fait tout ce quil peut et veut
vraiment le bien, homme humble et charitable, très pieux
directeur, de grands talents, vrai saint.
Arrivé à Saint-Godard :
bien reçu, un peu officiellement. Abbé Prost, Noyaux,
etc. : ces messieurs venus chez le supérieur un peu
officiellement aussi.
Que de choses ces temps-ci ! Lorgue
fini. Convocation du chapitre : M. de Serres seul et quelques
chapelains. Fort bonne impression. Froissements du père
T[rilla]t. Quel dommage quil nait pas plus de
désintéressement et quil ait la forme
je pense que le fond ne lest pas
si
prétentieuse ! Jen ai bien souffert, et ils ne sen
doutent guère. Heureusement, M. M[erley] a été
assez en dehors.
Je suis membre du conseil du Club alpin. Je
nai pu léviter. Quelques personnes bonnes à y
connaître.
Courage pour commencer
ici !
Assez bon commencement. MM. Chatelet, Prost et
dautres aussi viennent en classe de musique. Résultats lents,
mais bons
pas plus lents
quailleurs. Ténors trop forts et un peu sauvages, bons altos,
basses et sopranos un peu faibles. Bonne volonté de la part de
tous. Bonne séance pour tous à léglise
aujourdhui ; les voix denfants sont bonnes. Je souhaite bien
que le travail fait ainsi dans les séminaires soit durable et
vraiment utile pour la gloire de Dieu.
Le soir, on se réunit chez M. le
Supérieur
quelques-uns au
moins. Toujours un peu de particularisme. M. le Supérieur aime
mieux les choses réglées avec lui et pas en commun. (Le
vin vieux servi à dîner, pas pour tous.) Petits,
très petits détails.
Hier, belle course au lieu appelé Le
Désert ; très belle vue, fort étendue. Il
faisait si beau ! Excellent caractère de M.
Prost.
Je noublie pas
Verrières.
Bien travaillé ces jours-ci.
Résultats vraiment bons. On sest mis à chanter comme
il faut les cantiques à deux churs, ainsi que le plain-chant.
Classe de musique bonne aussi. Altos bons, ténors ont beaucoup
progressé. Les grands pas trop puissants, mais bon timbre.
Appris Adorate, Inviolata, psaumes, Tantum, O salutaris,
et trois cantiques.
Un grand nombre de ces messieurs suivent les
classes. M. le Supérieur meilleur à
connaître : la forme moins agréable, mais bon et
aimant à faire plaisir. Demain, samedi, on donne la
promenade.
Corrigé aujourdhui des épreuves
pendant près de cinq heures. Aussi, assez de
fatigue.
Très bonnes exécutions toute la
journée : musique et plain-chant à deux churs.
Tout le monde enchanté, enthousiasmé. Je suis
très fatigué, sans compter le mal de dents, mais
heureux de cette besogne ; puisse-t-elle porter des
fruits ! M. le Supérieur très attentif, quoique
toujours un peu froidement. Ces messieurs très bien : MM.
Jourlin, Berard, Cherbut, Deschavanne, etc. Labbé Prost
très bon et bien artiste ; joue bien du violon ; il
a de létoffe. Charmant directeur, dune candeur admirable.
Causé deux fois avec les élèves de voyage. Mes
recommandations aux élèves à souper, très
applaudies (un cuir qui a disparu). Tout le monde rempli de
très bonne volonté. On compte sur mon
retour.
Je pars demain matin.
LArgentière. Arrivé ici
dimanche soir, 28 février. Mis de suite à luvre le
lendemain. Très bien pour M. le Supérieur et pour tous.
Supérieur vraiment charmant pour moi ; aux petits soins.
Vieil ami Pincasson, bon et en train ; nature très
dévouée à ceux quil aime. Venu aussi
labbé Chifflet, qui a passé ici trois jours. Enfants
durs à amener, mais enfin nous y sommes.
Très bonne fin de semaine. Nous sommes
arrivés de loin. Chur de 90 musiciens. Nuances, justesse.
Tout le monde très bon pour moi. Enfants tous
enthousiasmés et remplis de bonne volonté.
Supérieur avec beaucoup dabandon, va au-devant des
réformes. M. E*** F*** peu courageux. Supérieur propose
deux ou trois classes, plain-chant et solfège dans chacune des
classes ; plans dune répétition. Lharmonium sera
descendu en bas, un autre acheté pour les classes.
Bientôt, jespère, les cantiques. Tous nos musiciens
conservés.
Chaque soir, réunion chez moi ;
examens ce soir chez moi par la chapelle. Émotion en quittant
cette maison et en faisant mes recommandations aux
élèves. Jai été vraiment traité
en ami.
Course jolie jeudi à Saint-Symphorien.
Et notre concert à Saint-Jean ? Article de la
semaine : critiques de M. Réry.
Je pars demain pour
Saint-Godard.
Aujourdhui, réception de lorgue de
Saint-Jean. Demain, inauguration. Tout le monde paraît
enchanté. M. Chapot ma fait hier les plus grands
éloges de lorgue de M. Merklin, de tout. Ainsi va le monde.
Linauguration de demain sannonce belle. Je naurais jamais cru que
lon voulût tout cela dans cette archigrave cathédrale.
Dieu soit remercié de tout ! Mais Vervoitte nest pas
encore venu, ayant voulu aller à Moulins, après avoir
cependant librement accepté le jour. Ny aura-t-il pas
là une petite difficulté ? Supplément
à obtenir maintenant, mais ce ne sera pas de si grandes
tribulations.
M. Bélédier non invité
aujourdhui ! Ainsi va le monde. Et quon est vite
laissé ! Ce sera pire pour moi.
Voilà une grosse épine
tirée et une passe bien mauvaise traversée. Quelle
peine le bon Dieu menverra-t-il maintenant ? Quil veuille me
donner la force en même temps !
Hier, splendide inauguration. Énorme
affluence, comme jamais : tout garni, nefs, chur,
tribunes ; mauvaise organisation des cartes et placement.
Assemblée respectueuse et tranquille. Batiste
[rayé : « assez ».
NDLR.]
bien, un peu long et pas assez de
sérieux ; Penaud très honnêtement et
correctement ; Paul a bien réussi surtout la fugue de
Bach, qui a été très appréciée des
connaisseurs. Batiste a bien fait ressortir lorgue. Malheureusement,
le tremblant sest dérangé par la faute de Paul, qui
la laissé pendant un grand chur. Nos enfants ont bien
chanté, surtout lO salutaris de Mozart. Tout le monde
content. Nouveaux compliments de M. Chapot. Mais avant-hier, javais
reçu de la mauvaise humeur de M. Drevet de ce que M.
Bélédier navait pas été invité
pour lexpertise, et sur mon observation que cétait au
chapitre à le nommer, il ma dit très aigrement quil
navait été consulté en rien, quon avait tout
emporté de haute main, etc. Il est, de fait, très
regrettable que M. Bélédier ait été
laissé de côté ; il doit en souffrir, et
à sa place, jen souffrirais beaucoup.
Vervoitte est homme desprit et de bon esprit.
Il a bien pris laigre dépêche de M. M*** et est
vraiment porté de bonne volonté dêtre
utile.
Et maintenant, gare aux tuiles ! Quelle
est celle qui va me tomber sur la tête ?! Que la
volonté de Dieu se fasse en moi pleine et
entière !
Dimanche dernier, sacre de Mgr Thibaudier.
Belle cérémonie, attristée par létat
morbide de notre archevêque. La veille, on a contremandé
la grand-messe ; aussi, grand émoi, mécontentement
général ; on disait que cétait un sacre de
troisième classe. Cependant, la cérémonie a
été très belle. Nous avons chanté trois
morceaux. Mgr Thibaudier a très bon air sous la mitre. Grande
modestie et édification. Il est estimé de
tous.
On ne soccupe guère plus de lorgue,
sauf quelques rares exceptions, M. G***t entre autres.
Généralement, on est très content. Enfin, je
dois bien remercier le bon Dieu.
Jachève ces jours-ci mon discours
dacadémie. Le commencement surtout maura donné assez
de peine.
Retour de maux destomac. Je me croyais
guéri. Et les reins souffrants aussi. Que la volonté de
Dieu se fasse toute pleine !
Beau, très beau voyage en Italie, avec
J*** et labbé P***. Intérêt constant ; je
naurais pas cru si bien. Bonheur de nos audiences du
Saint-Père. Mais nen parlons plus.
Lu la Vie de Savonarole par Perrens.
Étonnante figure. Il le traite dabusé,
halluciné, grâce à la tendance de
lépoque, mais de bonne foi. Je voudrais en lire une
satire.
Négociation difficile pour que des
séminaristes puissent venir remplacer à Saint-Jean les
chapelains devenus nuls ou partis. Cest lavis entier de Mgr
Thibaudier. Mais réussirai-je ? Et sinon, que deviendra
la maîtrise aux abois ?
Je nai pas réussi. Repoussé
avec pertes. Pourtant, M. de Serres mavait appuyé. Que
faire ? Je fais une lettre au doyen pour dire que je ne puis
faire chanter. Mais quest-ce que cela fera ? Cela ne
retournera-t-il pas contre moi ? Que le bon Dieu me vienne en
aide !
Mariage heureux de Pierre, sans inquiétude, sans nuages. Il le mérite, et cela montre la Providence qui prend soin des siens. Les parents aussi le méritent. Excellente famille que la famille Perret, large et simple. Pierre et Marie sont partis pour Florence et Rome, sur mes plan et conseil.
Essai de réorganisation de la
Sainte-Cécile. On se montre vraiment bien
déférent pour moi, au sujet du Stabat de
Rossini, etc.
Quelles vilaines journées ! Pas
fait chanter le jour de Toussaint. Désapprouvé par
presque tous
tous me faisant la grimace , finissant par me
demander si je faisais bien, obligé de descendre au fin fond
de ma conscience, à mon obéissance à Mgr
Thi[baudier], à ma soumission à Dieu pour me calmer,
jai vraiment beaucoup souffert ; le cur me fait physiquement
mal, les forces ont faibli. Dieu soit toujours
béni !
Obtenu labbé Montmartin, diacre des
Minimes, pour nos offices. Mais non sans difficultés et
oppositions venues après coup. Cela durera-t-il ? On veut
aussi faire venir M. Dumas, professeur chez M. de Courtivron, mais
voudra-t-il ? La position est si petite !
Que la vie est donc difficile,
compliquée, dure ! Et on sy attache pourtant !
Est-ce la peine ?
Chanté cependant, et bien, pour la
rentrée des tribunaux.
Mgr Callot est mort ; je le regrette et
me souviens bien de son accueil dOran.
Lu Cent Jours en Orient, de M. de
Romain, Suisse ami de Thiers, peu convaincu en religion,
léger, peu écrivain, peu savant : ouvrage inutile.
Jy ai pourtant appris un peu
un peu sur la
Haute-Égypte.
Belle pensée de la mère de
Lamartine : « Jai assisté à une prise
dhabit Jai réfléchi que létat dune
mère de famille, si elle remplit ses devoirs, peut approcher
de la perfection de celui-là. On ne pense pas assez, quand on
se marie, quon fait aussi vu de pauvreté, puisquon remet sa
fortune à son mari, et que lon ne peut disposer que [de] ce
quil nous permet, on fait vu dobéissance à son mari,
et vu de chasteté, en ce quil nest pas permis de chercher
à plaire à aucun autre homme. Lon se voue aussi
à lexercice de la charité, vis-à-vis de son
mari, de ses enfants et de ses domestiques ; je nai donc rien
à envier aux
hospitalières »
Qui allons-nous avoir comme
archevêque ? Mgr Perrand, dit-on, reprend les plus grandes
chances. Tant mieux. Mgr de La Tour dAuvergne eût
été aussi très bien
accepté.
On dit aussi que la division du diocèse
pourra être renvoyée à plus tard. Tant mieux
aussi. Ceût été un grand
malheur.
Ma santé redevient mauvaise et
lestomac est retombé. Mélancolie et
découragement !
Je me propose de noter presque chaque jour une
pensée et un peu lemploi de ma journée. Jai
même acheté un agenda pour cela, afin de my forcer. Le
tiendrai-je ?
Lu Le Chemin des écoliers de
Saintine. Très joli livre, admirable de simplicité et
de fine naïveté apparente. Lu aussi Pieriola, un peu
gâté, à mon humble avis, par un ton par trop
emphatique ; pourtant, 45e édition. Lu aussi
les Notes de musique de Reyer : faible ; jai peu
appris.
Lu la vie de Marie-Marguerite Alacoque :
vraie éloquence, quoiquun peu délayée. Je nai
pas été assez dévot au Sacré
Cur.
[Mgr
Stanislas
Neyrat.]
in La gazette de l'île Barbe n° 69, t 2007
php3; include("inc_log.php"); ?>