Colette Jaillard

10 novembre 1927 – 7 juin 2008

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Cérémonie d’adieu à Colette

11 juin 2008

Maman, quel bonheur d’avoir pu te dire quelques mots tendres dans l’oreille lors de notre dernière visite, et quel bonheur de nous avoir réunis tous les cinq autour de toi la veille de ton départ ! Tu nous entendais bien, et nous étions tout à côté de toi.

Tu nous réunis encore une fois. Nous sommes heureux de t’accompagner : ta famille, papa, tes enfants, tes belles-filles et tes gendres, tes petits-enfants, présents ou par la pensée avec nous, tes frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, neveux et nièces, tes cousins et cousines, tes amis si nombreux, tes voisins, ceux que tu as côtoyés de près ou parfois de façon plus éloignée.

Nous vous remercions tous de nous entourer. Votre affection a été précieuse à nos parents et nous porte aujourd’hui.

Maman, toujours à droite et à gauche, tu as été dynamique et battante, tournée vers le service aux autres à travers tes engagements auprès des personnes âgées, l’accompagnement des malades et l’accueil spirituel.

Tu es partie discrètement, mais pour toi, c’est sûr, ce n’est que le début. Nous voulons que tu reposes en paix. Chacun de nous est confiant : tu es là, près de nous. Nous voulons nous souvenir des belles choses… Tu as été l’âme de notre maison. Sois maintenant l’ange gardien de nos familles.

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Colette — Poyet au départ — était enfant du quartier de La Plaine à Sainte-Foy-lès-Lyon, où ses parents s’étaient installés au décès de leurs parents dans la maison familiale.

Elle fut élève des sœurs de Nazareth, mais, plutôt chahuteuse, elle était manifestement plus intéressée par ce qui se passait dans la cour de récréation que par ce qui se disait dans la classe. Moyennant quoi, à l’issue de ses études, elle avait beaucoup d’amies que, plus tard, à son retour à Lyon, elle n’aura pas de mal à regrouper.

Elle devint Colette Jaillard, en 1951, en épousant Charles, qu’elle suivit d’abord à Paris, puis dans les nombreuses missions de son mari en Afrique du Nord, Algérie et Maroc, où elle passa quelques hivers sous la tente dans des conditions rudes, mais elle aimait rencontrer les femmes arabes sous leurs kraîmas et boire le thé bien que la conversation ait été plutôt réduite ; elle ne s’ennuyait jamais. Elle suivit Charles à Madagascar avec deux enfants ; il fallait alors plus de vingt heures pour arriver à Tananarive. Au Maroc, elle passa quelques mois dans le moyen Atlas à une époque où l’on dormait avec le pistolet sous l’oreiller.

Son mari quitta l’Institut géographique national en 1958 pour s’occuper de l’étude des traversées routières du Sahara. La famille s’installa à Alger jusqu’en 1962, époque pas particulièrement aimable comme elle l’écrit dans ses souvenirs :

 

Le 2 novembre 1958, baptême de Blandine et départ quelques jours après pour Alger.

Arrivée rue Michelet, en plein centre, dans un appartement qui deviendra bien vite trop petit.

Il faut en sortir à pied pour les courses quotidiennes et promenades d’enfants dans un climat parfois inquiétant : les premiers attentats, dont celui de la bijouterie Agostini en janvier.

J’étais présente avec les trois enfants, la poussette couverte de poussière et la gentillesse d’un commerçant m’abritant dans son magasin, les pleurs d’Anne… Charles-Henri voulait voir les pompiers ! Charles n’a pu me joindre que quarante-huit heures après. La vie s’écoulait en ville sans trop d’inquiétudes…

Un ascenseur qui ne pouvait être utilisé qu’à la montée, peu pratique pour les sorties, beaucoup d’absences de Charles, peu de connaissances autour de nous.

L’été se passera à Lyon dans nos deux familles et Gilles fera son arrivée le 1er septembre 1959, né à Lyon.

Fin septembre, je rejoins Charles rue Émile-Allaux dans un appartement en rez-de-jardin dans une villa sur les hauts d’Alger avec un petit jardin « de curé » très apprécié. Nous faisons connaissance avec une famille habitant au-dessus de chez nous et nous deviendrons vite très amis : Lily et Guy Maizonnasse.

Toxicose de Gilles. Malgré les évènements, les familles vont à la plage ; on s’y rencontre (les Garin, Vernet, Labouche, Vignon) sur des plages surveillées ; dès avril, le temps est agréable. Anne et Charles-Henri commencent leur école.

Bien que les attentats se multiplient, avec des disparitions inquiétantes et des bruits de toutes sortes… manifestations dans les rues, les pavés sur le boulevard du Telemly. Nous sommes prudents et observons les consignes données par certains voisins engagés dans cette lutte. Le couvre-feu à Alger commence à exciter la ville jusqu’au moment où, de chez nous, partent des bruits de cuillères sur des casseroles pour communiquer avec nos voisins du dessus, d’en face, crevant le silence pesant, puis à droite et à gauche, voilà que démarrent les fameux : 1, 2, 3 ; 1, 2, 3, 4, 5 ; 1, 2, 3… qui deviendront le refrain de l’Algérie française.

Mais tout se gâte rapidement et on est entraîné malgré soi aux manifestations sur le Forum où les généraux attendent la foule, tout ouïe aux voix des haut-parleurs durant deux soirs, jusqu’au soir où tout s’éteint brusquement, plus de radio, plus de fenêtres éclairées au Q[uartier] g[énéral]. Bousculades, sifflements, et on rentre au plus vite chez soi, attendant la raison de cette brutale interruption qui entraînera encore bien des perturbations jusqu’au massacre de la rue d’Isly.

Mais la vie continue jusqu’en décembre 1961 où nous décidons de nous installer en appartement, Charles étant plus tranquille de nous savoir dans cet immeuble — l’Aérohabitat — qui enjambe le Telemly. Sympathique duplex grand et confortable. En une semaine, tout est installé avant d’aller passer quelques jours de Noël avec les Vernet dans la villa de la société à El-Goléa.

 Des troubles plus sérieux nous amènent à rentrer à Paris avec les quatre enfants en mars 1962, laissant Charles et une brave vieille Fatima très éplorée du départ des Français.

En été 1962, pendant un séjour aux Issambres, Charles fait un voyage éclair à Alger, l’appartement étant sous réquisition, pour contrôler le départ vers le Maroc du déménagement, sans même avoir eu l’autorisation d’y assister.

 

Après deux années à Casablanca, la famille s’installe en 1964 à Paris dans le XIIe arrondissement puis à Vincennes.

Outre l’éducation de ses cinq enfants, Colette s’engage alors dans l’animation d’une maison pour personnes âgées du XIIe arrondissement : elle fait faire des petits bricolages, des travaux de couture, etc. Elle organise des après-midi dansants qui attirent les anciens du quartier, et des sorties en car en fin d’année. Avant que Colette ne revienne à Lyon, madame Chirac lui remettra la médaille de la ville de Paris. Colette restera longtemps en contact avec la direction de cette maison.

Elle aimait retrouver enfants et amis, week-ends et mois d’été dans la maison de Sarrigny dans l’Yonne, ses tajines et ses paellas sont restés légendaires… Elle aimait recevoir, il y avait de la place et la maison était pleine. Mais toujours des travaux à faire pendant les trente-cinq ans que cette maison fut occupée par la famille.

Après être revenue à Lyon en 1987, elle ne détela pas, toujours super-active, toujours accueillante à Fourvière, dans une maison de personnes âgées, pèlerinage à Lourdes, où elle poussait alors qu’elle aurait dû être poussée, réunissant ses anciennes amies, veillant à l’accueil et à l’ambiance dans les nombreux voyages organisés par Charles.

Exigeante et passionnée, elle rapportait des marchés des porcelaines qu’elle peignait et dispersait chez enfants et amis. Elle initiait les petits-enfants à la tenue du pinceau.

Sportive, à Chamaret ou à Lyon, elle était dès le matin dans la piscine, trouvait toujours des partenaires sur les courts de tennis et continua très longtemps à dévaler les pistes de ski.

Joueuse, à la sortie de l’école, ses petits-enfants passaient faire une partie de cartes ou de petits chevaux.

Elle ne profita guère de la maison de Chamaret en Provence remplaçant celle de Sarrigny ; elle eut une rémission de quatre ans d’un cancer qui finit par venir à bout de sa pugnacité.

Ses obsèques se sont déroulées à l’église Notre-Dame-du-Point-du-Jour et elle a été inhumée au cimetière de Loyasse à Lyon.

 

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In La gazette de l'île Barbe n° 74

Automne 2008

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