De chez Marie
Hindié, ce jeudi 17 octobre 1991. Votre vieille tante Lison a
été bien émue en écoutant les nouvelles
à 13 heures. Je revivais la mort de mon père (Joseph
Jaillard) et de mon frère Charles, ce 4 novembre 1913 en gare
de Melun, drame que nous n'avons su que le lendemain. Le matin, nous étions
allés ensemble à la messe à Fourvière.
Mon père allait à la messe tous les jours. Puis nous
les avons accompagnés au train. Le dernier souvenir de la
figure de mon père, c'est lorsqu'il est descendu du train en
gare de Perrache, parce que l'on venait d'ajouter un autre wagon au
train, qui arrivait à Lyon et repartait sur Paris. Ce n'est que le lendemain que nous
avons appris le drame. L'accident était arrivé vers 8
heures du soir à Melon. J'étais en train
d'étudier mon piano quand une dépêche de
Bonne-Maman Laprade a inquiété ma mère, qui est
descendue pour envoyer un télégramme. Un gros titre
dans un journal que quelqu'un lisait l'a inquiétée et
elle est entrée chez le buraliste pour prendre le
journal. Mon oncle Pierre Jaillard était
déjà venu nous demander dans quel hôtel Papa
était descendu, et je vois Maman lui répondant:
"Tu sais bien que vous, les
Jaillard, vous descendez toujours dans tel hôtel
!" Elle a couru chez mon oncle.
Ils sont revenus tous les trois à la maison -l'oncle Pierre,
tante Marie et Maman - et sont repartis pour Melun... à la
même heure que le train de la veille. Mon oncle a trouvé
dans le train une dépêche où il y avait
écrit: "le commandant
Jaillard et son fils ne sont pas dans les
blessés..." Et
voilà. Nous étions restés bien
soucieux tous les trois : mon frère, ma soeur et moi. Pierre
était allé retrouver Maman à Melun. Lison [Louise-Marie]
de RAUCOURT in
La gazette de
l'île Barbe
n° 9 Eté
1992
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