Notes sur l'île Barbe

L'île Barbe a donné son nom à notre Gazette en raison de son importance dans l'histoire de notre famille. Nous nous devions donc de présenter son histoire. André et Chantal Jaillard nous ont adressé celle qu'a écrite notre grand-père Henri Jaillard. Nous la publierons, selon son propre découpage, en six épisodes.

 

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Antique abbaye fondée au IIIème siècle, devenue au XVIème dépendante du chapitre des chanoines comtes de Lyon, finalement vendue et dispersée par la Révolution. Son histoire est contée en particulier par Claude Le Laboureur (1630-166O) dans son livre : les Masures de l'île Barbe.


1. Origine

Sise sur la Saône, dans l'insula Barbara des Anciens, l'abbaye de l'île Barbe était probablement la plus ancienne des Gaules, antérieure à celle du mont Cassin, fondée par saint Benoît en 529, et même à Ligugé, fondée par saint Martin (316-4OO), premier ordre monastique français. S'il est historique qu'elle date de la domination romaine, il n'est pas possible d'en préciser la date. La tradition rapporte que l'histoire chrétienne de l'île commença par des solitaires, réunis ensuite en communauté sur l'initiative d'un certain Longin (d'après les Masures de l'île Barbe). Il est possible aussi que les premiers chrétiens de l'île fussent des réfugiés, chassés de Lyon par la persécution de Marc Aurèle en 177 ; ou bien, dit un autre auteur, fuyant les massacres que fit Septime Sévère en 197, après la défaite de son rival Albin (ces réfugiés se seraient appelés Etienne et Pérégrin).

D'après Le Laboureur, l'île aurait été lieu de culte druidique. Un érudit contemporain, M. Picot, prouve que c'était bien un site religieux gaulois, puisqu'on a découvert à la pointe nord une statuette représentant la "déesse-mère" (statuette transférée depuis 1937 au musée de Saint-Germain-en-Laye).

Quoi qu'il en soit, le lieu n'était pas désert ni sauvage. A l'époque romaine, la vallée de la Saône était bâtie d'habitations de citoyens romains. On voit encore à Saint-Rambert (fontaine sous l'église), et dans l'île, des pierres tombales de vétérans de la XXXème légion.


2. Du IIIème au VIIIème siècle

Le premier chef de la communauté aurait été Dorothée, qui vivait au temps d'Aclius, quatrième évêque de Lyon (240-255). L'ère des persécutions n'était pas close. Lyon se relevait lentement des massacres de Sévère. Sous Constantin, elle redevint capitale politique et religieuse de la Gaule lyonnaise (de l'Armorique à l'Helvétie).

Le sixième abbé de l'île, Martin, disciple de saint Martin de Tours, fut désigné par celui-ci à la demande des moines de l'île ; il y aurait introduit la règle de saint Martin. Il fut nommé évêque de Lyon en 402 ou 412 (il figure dans les litanies de Lyon). Le huitième, Maxime (435-451), fut désigné pas saint Eucher et fut son "chorévêque" (auxiliaire et remplaçant) ; il se retira à Chinon, où il mourut. On dit que saint Eucher, ancien moine de Lérins, aimait à séjourner au monastère, où il écrivait ses ouvrages.

A la chute de l'Empire romain (vers 476), les Burgondes occupèrent Lyon et le pays rhodanien, avec leur capitale àVienne.

De cette époque, on a des documents intéressant l'île : donation par Sigismond de Bourgogne en 523 ; diplôme de Clovis II en 640 confirmant donation de Dagobert.

D'après Le Laboureur, Ambroise, dixième abbé (fêté à Lyon le 6 novembre), fut envoyé à la tête de l'abbaye de Saint-Maurice-d'Agaune (construite vers 515 sur l'ordre de Sigismond).

Loup, disciple d'Ambroise (ne pas confondre avec saint Loup de Troyes), était lyonnais, d'une famille de l'entourage du roi Sigismond ; il fut moine de l'île, peut-être abbé, mais certainement élu évêque de Lyon en 528, situation dans laquelle il garda la simplicité monacale. Il vit, avant de mourir en 542, la bataille de Vézeronce, près Morestel, en 524, et l'invasion du royaume de Bourgogne par les Francs en 532-534. Le pays en souffrit beauoeup et les religieux quittèrent même l'île. Saint Loup fût inhumé dans l'île où son corps fût longtemps vénéré : son nom fût donné, avec celui de saint Martin de Tours, à l'église principale de l'île. (Son chef fut retrouvé après le sac par les calvinistes et se trouve à la primatiale Saint-Jean dans une châsse d'argent - fête le 25 septembre à Lyon).

La domination franque fut dure : époque des maires du palais, dont le fameux Ebroïn, qui, en 656, enleva et fit assassiner saint Ennemond, évêque de Lyon, et saccagea l'île ; les Lyonnais se révoltèrent et Ebroïn dut lever le siège de la ville. C'est vers la même époque que le soldat Rambert, victime également d'Ebroïn, fut égorgé à Beibronne dans le Jura.

Avant le quinzième abbé, Licinius (milieu du VIIème siècle), le monastère avait adopté la règle de saint Benoît. La vie y était misérable : en 707, saint Bonnet, évêque d'Auvergne, y séjourna en se rendant à Rome et eut peine à nourrir ses compagnons.

 

Au VIIIème siècle, vers 725, invasion des Musulmans. Les Sarrasins dévastèrent Lyon, détruisirent l'île Barbe et poussèrent un raid jusqu'à Autun. Charles Martel, après les avoir arrêtés à Poitiers (732), les refoula de Lyon à Avignon (733-737), aidé par son frère Childebrand.


3. De Charlemagne au XIIIème siècle

Apogée de l'abbaye


Leidrade (ou Leydrade), né à Nuremberg en 736, avait été bibliothécaire de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, puis son «missus dominicus», et évêque de Lyon de 796 à 813; il finit par se retirer dans l'abbaye Saint-Médard de Soissons, où il mourut.

Nous avons deux lettres de lui : dans l'une, il rend compte à Charlemagne des travaux faits pour le relèvement des églises de Lyon et des monastères de Saint-Pierre, d'Ainay et de l'île Barbe. Il mit notre abbaye, qui avait alors quatre-vingt-dix moines, sous le patronage de saint Martin et saint Loup. L'ancien monastère de la pointe de l'île devint le prieuré Saint-André.

Leidrade songeait aussi au relèvement spirituel. Il confia l'île Barbe à saint Benoît d'Aniane (750-821), disciple de saint Benoît et mis lui-même sur les autels, réformateur de l'ordre bénédictin en France. Il fit nommer abbé Campion (dix-septième abbé). L'île Barbe allait devenir la plus importante abbaye de la région, et sa bibliothèque passe pour avoir été très riche.

En 873 et 875, Léobin (vingt-sixième abbé et chorévêque de Lyon) assista aux deux conciles de Chalon avec l'évêque de Lyon, saint Rémy (à partir d'Aurélien, successeur de Rémy, l'évêque devient archevêque). Il mit sa signature à la charte de fondation du prieuré de Charlieu.

En 934, invasion des Hongrois qui, en 937, dévastèrent l'île Barbe, Ainay et Savigny (près de Sain-Bel).

L'abbé Eldebert (trente-quatrième abbé, 971-994) releva le monastère, et assista en 984, avec l'archevêque Burchard, à l'élection d'Hugues, abbé de Savigny. Il fit confirmer les privilèges de l'île par Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, qui venait de vaincre les Hongrois ; ce fut alors la paix pour l'abbaye jusqu'en 1562. Il reconstruisit en 985 l'église Saint-Loup, et assista en 994 au premier concile d'Anse avec Burchard, Odilon de Cluny et l'abbé de Savigny. On l'a dit petit-fils de Charlemagne et sa mémoire est vénérée.

Son successeur, Bernard (trente-sixième abbé) assista à deux élections à Savigny. Hogier (quarantième abbé) fit édifier en 1070 l'église Notre-Dame ; d'après Le Laboureur, ce fut à l'intention des pèlerins, hors de la clôture (elle a gardé sa destination au XXème siècle).

Vers l'an 1080, le corps de saint Rambert fut transféré du lieu de son martyre dans la petite ville d'Occiacum en Forez, où se trouvait un prieuré dédié à saint André et sous la dépendance de l'île Barbe : le prieuré prit le nom de Saint-Rambert et Occiacum devint Saint-Rambert-sur-Loire (la châsse et le corps du saint s'y trouvent encore). Le «Bourg de l'île » prit également son nom, comme Saint-Rambert-en-Bugey et Saint-Rambert-d'Albon.

Le XIème siècle fut un temps de grande foi mais aussi de réforme : fondation de la Chartreuse (1084), développement de Cluny (fondée au Xème siècle), suivi de la réforme cistercienne par saint Bemard au XIIème siècle. Sommet du monachisme.

 


4. L'abbaye au XIIIème siècle

Le domaine et les fiefs de l'île se développèrent jusqu'au milieu du XIIIème siècle : vallée de la Saône, Dombes, Bresse, Jarez, monts du Lyonnais, Forez (Saint-Ramben), Dauphiné et Provence. L'abbaye était indépendante de la justice civile et avait juridiction sur ses domaines, justice exercée par l'abbé ou un de ses prévôts ou par les prieurs, mais comme hommes d'église, ils ne pouvaient infliger la peine de mort. L'île avait comme vassaux les comtes de Forez, les sires de Beaujeu, les seigneurs de Villars, de Montéliman. Elle comptait de nombreux prieurés : SaintRambert-sur-Loire, Cleppé sur la Loire, Mogneux, Hauterive, Sury-leComtal, Firminy, Saint-Paul-en-Cornillon, dix-huit dans l'actuel département du Rhône, Bollène, Notre-Dame-du-Plan (Ardèche), Aleirac (Drôme), Salon-de-Provence - des églises également, dont le curé était nommé par l'abbé.

De nombreux évêques de Lyon avaient été abbés ou moines : Aurelius (46ème évêque, 875-895), abbé d'Ainay; Amblard (53ème, 956-978), abbé d'Ainay comme Jocerand (60ème, 1107-1118) ; Renaud de Saumur (62ème), abbé de Vézelay ; Pierre (63ème, 1131-1139), moine de Cluny ; Guichard (69ème, 1167-1180), abbé de Pontigny ; Raoul de la Roche-Aimon (74ème, 1234-1236), abbé de Clairvaux ; Pierre II de Tarentaise (77ème, 1272-1274), général des dominicains, puis pape (Innocent V) ; Aymard de Roussillon (78ème, 1274-1283), moine de Cluny.

Les écoles. - L'île Barbe avait une école dès l'époque mérovingienne ; restaurée par Leidrade, elle dura jusqu'au XVIème siècle. Au XIVème siècle, ses élèves furent envoyés à Lyon suivre les cours de la nouvelle université ; l'école déclina alors.

D'autre part, il y eut des "confraternités" avec d'autres monastères (échanges de services matériels et spirituels) :

Au XIIIème siècle, un vent de réforme soufflait, et l'abbé Girin III de Sartines (1272-1296) entreprit une réforme du monastère.

André de Marzé (1296-1328) joua un rôle important dans le diocèse, sur les instructions de Clément V. Il assista au VIIIème concile d'Anse, en 1300, avec l'archevêque et les abbés d'Ainay et de Savigny.

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Reconstitution de l'abbaye au XIIIème siècle

L'enceinte de l'abbaye, côté aval, suivait le mur (propriété Jaillard) qui limite actuellement la promenade plantée d'arbres, appelée alors "le pré". A l'extrémité de ce mur, côté Saint-Rambert, était le port Saint-Rambert ; à l'opposé, côté Cuire, le port Notre-Dame, puis l'église Notre-Dame, ouverte aux pèlerins. La porte Notre-Dame, qui s'ouvrait à côté du port, était analogue à la porte Sainte-Anne (qui existe encore) ; elle donnait accès à la place Notre-Dame. L'église Notre-Dame avait une nef unique, parallèle à la rive et la bordant, et était entourée de deux côtés d'une sorte de cloître en équerre, construit à l'époque romane et sans doute contemporain de l'église, et couvert à l'époque gothique de voûtes nervurées ; il devait servir d'abri pour les pèlerins et abritait dans sa partie nord une des sacristies. L'église était simple : voûtes romanes, abside en cul-de-four (qui existe toujours). Elle avait d'élégantes sculptures ornant la porte principale et l'une des fenêtres de l'abside, que l'on voit encore.

Le chemin joignant la place Notre-Dame à la porte Sainte-Anne devait être à peu près identique, suivant peut-être les murs mêmes du château. Celui-ci contenait la riche bibliothèque dite de Charlemagne. Bâti sur un rocher, il servait de réduit en cas d'invasion. Au-delà de la porte Sainte-Anne était le port Sainte-Anne, troisième accès à l'île.

A la pointe de l'île, le prieuré Saint-André (on y voit encore, incluse dans une maison, l'abside de l'ancienne chapelle Saint-André-et-Sainte-Anne). Il formait un ténement distinct, avec ses remparts, séparé du monastère par un "no man's land" (une vue ancienne montre les deux enceintes).

De la place Notre-Dame, laissant à gauche la dixmerie, entrepôt où étaient déposées les redevances, on rencontrait au fond la maison de l'abbé, dont la chapelle dédiée à saint Denys est incluse dans la maison actuelle. L'entrée du couvent était ici. Empruntant l'allée dite des tombeaux, qui formait un côté du grand cloître, nous avions, à droite, la maison du prévôt (sur l'emplacement de laquelle fut reconstruite, au XVIème siècle, l'actuelle "Prévôté", où résida Claude Le Laboureur) ; à gauche et derrière le cloître, l'église abbatiale Saint-Martin-et-Saint-Loup, dont on ne voit plus aujourd'hui qu'un angle du porche principal et le fond du transept sud ; au bout de l'allée, à gauche, la salle capitulaire. Les réfectoires des moines se trouvaient côté Saint-Rambert, près de la Saône, ainsi que les celliers voûtés, encore visibles à la hauteur de la maison de l'abbé.

L'église abbatiale était un édifice roman à trois nefs, l'abside et les absidioles en cul-de-four, les bas-côtés surmontés d'une galerie. On peut se l'imaginer en visitant Ainay, si l'on y supprime en esprit les chapelles longues construites au nord et au sud pour l'agrandir, ainsi que la chapelle Sainte-Blandine au sud et la chapelle gothique au nord du choeur, mais les voûtes d'Ainay sont modernes, son choeur moins grand, le transept moins allongé qu'à l'île Barbe. Cette église a été détruite en 1562 ; certains chapiteaux ont été utilisés pour le baptistère d'Ainay ; l'autel roman, représentant l'Annonciation, et un bénitier de marbre blanc sont dans l'église de Saint-Rambert. Elle comportait un clocher carré semblable à celui d'Ainay, mais surmonté d'une flèche de pierre comme celle de Notre-Dame. Elle possédait une crypte, qui a été restaurée.

Quelques parties de la chapelle Notre-Dame ne peuvent être vues que de la propriété voisine appartenant à madame veuve Jacques Bérard ("le Cloître" en l'île Barbe) : le chevet, vu du jardin... la porte principale, vue de la maison.

Outre la chapelle Notre-Dame, il y a sur l'île des restes intéressants de l'abbaye :


5. La décadence

du XIVème siècle à la Révolution


L'archevêque de Lyon (archevêque depuis Aurelius, à la fin du IXème siècle) jouait entre le royaume et l'empire, mais en 1309, Louis le Hutin assiégea Lyon, et fit prisonnier l'archevêque Pierre III de Savoie (83ème évêque), qui dut prêter serment à Philippe le Bel en 1312. Les liens féodaux se relâchaient, les abbés ne résidaient plus. On essaya de réformer, au concile d'Anse (1299) ; des statuts nouveaux furent promulgués en 1309 ; crise de l'autorité, des moeurs, de l'esprit.

En 1341, Frère Henri se retira en ermite sur le mont Cindre : la chapelle Notre-Dame-de-Tout-Pouvoir fut consacrée le 15 août 1341.

En 1428, le prieuré de Bollène fut séparé de l'abbaye.

Vers 1430-1450, les voûtes du cloître Notre-Dame furent refaites sous leur aspect actuel.

En 1485, Charles, cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon, était abbé de l'île Barbe et prieur de Saint-Rambert-en-Forez. Cumul abusif. Il fut inhumé dans la primatiale.

Antoine d'Albon de Saint-André (t en 1514) fit des réparations, reconstruisit les réfectoires. Son deuxième successeur, Antoine d'Albon de Saint-Forgeux, consentit en 1548 à la sécularisation demandée par les moines qui, par la bulle de Paul III du 12 avril 1549, devinrent chanoines de Lyon ; l'abbé devint "abbé doyen". On sécularisa aussi Saint-Rambert-en-Forez.

En 1562, les calvinistes, après s'être emparés de Lyon le 30 avril, saccagèrent le monastère, enlevèrent trois cloches et jetèrent la quatrième à la Saône. Ornements, vases sacrés, bibliothèque furent dispersés ou détruits. Les chanoines s'enfuirent à Montluel. Ils revinrent seulement l'année suivante à La Rochette, puis à Saint-Rambert, enfin dans la maison de l'abbé ; on utilisait l'église Notre-Dame, moins abîmée, avec un autel pour les pèlerins dans la sacristie.

L'aumônier Floris Blanchery s'efforça de réunir les restes de la bibliothèque. Son blason est aujourd'hui enchâssé dans le mur de la dixmerie avec "trois lys éperonnés, au chef chargé d'une croisette accompagnée de deux roses en quintefeuille" et la devise "Candore et odore".

En 1630, Claude Le Laboureur fut élu prévôt et le resta trente ans. Il fut l'auteur de l'histoire de l'île : les Mazures de l'île Barbe ; il essaya vainement de remettre ordre et discipline parmi les chanoines et finit par "résigner ses fonctions, plein d'amertume".

Camille de Neuville de Villeroy, 5ème ou 7ème abbé séculier, nommé en 1618, fit réparer en 1620, une dernière fois, l'église abbatiale, et rendre Notre-Dame aux pèlerins ; il fut archevêque de Lyon de 1653 à 1693 (eut son château à Neuville et y fonda des ateliers pour occuper les jeunes filles). Sous son épiscopat, l'abbaye fut sécularisée (sic).

Au siècle suivant, Pierre Guérin, archevêque cardinal de Tencin, supprima le chapitre, réunit à la primatiale la manse abbatiale (1742), puis la manse capitulaire (1743). Le dernier doyen, monsieur de Vallorges, mort en 1741, ne fut pas remplacé, et les chanoines dispersés, sauf trois qui restèrent. On transféra dans l'île le séminaire Saint-Pothin pour prêtres âgés ou infirmes. Les prêtres se réunissaient pour dire une partie de l'office et desservaient les deux églises.

En 1783, monseigneur de Montazet supprima l'établissement, désirant démolir l'abbatiale en gardant Notre-Dame.

A la Révolution, tout fut vendu ou dispersé, reliques et portraits transportés à l'archevêché.

L'histoire de l'abbaye était terminée.

 

Henri JAILLARD.

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in La gazette de l'île Barbe n° 10 à 14

De la Révolution à nos jours

Le berceau des Jaillard

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A la Révolution, l'île Barbe devint le berceau des Jaillard.

A la Saint-Jean de 1788, Philibert Charmy loua pour six ans aux chanoines comtes de Lyon la maison prolongeant la chapelle (actuellement "Le Cloître"). Mais, décrétée bien national en 1789, l'île Barbe tout entière fut vendue en 1791 à M. Perrusse, qui la lotit en vingt-trois lots. De 1795 à 1810, Philibert Charmy lui racheta cinq lots constituant la majeure partie de l'île : le Cloître, l'ancienne maison abbatiale, les chemins et places, la chapelle Notre-Dame, et enfin le pré. Il appela sa propriété "la Charmionne", suivant la mode de l'époque.

Il avait la manie des constructions. Il en fit notamment d'importantes, qui subsistent encore, pour soutenir les jardins dominant la Saône. Il conserva aussi, restaurant et rendit au culte la chapelle romane. Le 21 octobre 1809, Napoléon signa un décret portant "qu'il était permis de faire dire la messe dans la chapelle dépendant de l'habitation du sieur Philibert Charmy, propriétaire à l'Isle-Barbe." Sur le porche occidental a été gravée l'inscription : "chapelle particulière dédiée le 22 octobre 1811 à Notre-Dame-de-Grâce."

Philibert Charmy toucha en revanche peu à la maison principale, ancienne maison abbatiale, achetée dès 1795, et à laquelle seule est resté le nom de "la Charmionne". C'était un bâtiment vaste mais peu habitable, étant composé en partie de constructions très anciennes.

Philibert Charmy mourut à l'île Barbe le 5 octobre 1830. Son gendre Pierre Jaillard hérita alors de la propriété, qu'il semble avoir beaucoup aimée. Il dut détruire certains ouvrages mal conçus par son beau-père, et vendit le Cloître le 11 juillet 1834. Il aménagea en revanche la Charmionne pour en faire sa maison de campagne. Elle perdit ainsi son cachet primitif, mais on y reconnaît encore les restes d'une tour, qui défendait l'entrée de l'abbaye, et de l'oratoire Saint-Denis, converti en cuisine. Pierre Jaillard mourut à la Charmionne, où il s'était fait péniblement transporter pour profiter du grand air, le 12 juin 1851. Sa veuve Cornélie Née Charmy céda le pré à la commune de Saint-Rambert en 1857.

Le 8 janvier 1856, leur fils, Louis Jaillard acheta à M. Balmont une propriété contiguë à la Charmionne : "la Dixmerie", qu'il rebaptisa momentanément "Mon Plaisir". La Dixmerie, trouvait son origine dans le vaste bâtiment destiné à recevoir les dîmes nombreuses et variées dont été dotée la très riche abbaye. De construction assez ancienne, elle avait été renversée en novembre 1840 par la désastreuse inondation de la Saône, et reconstruite par M. Balmont, qui semble n'avoir conservé de l'ancien bâtiment que le rez-de-chaussée. Dans le mur de la façade, sur la place Notre-Dame, est encastrée une pierre aux armes de Floris Blanchery, ancien aumônier de l'abbaye.

Comme son père et son grand-père, Louis Jaillard continuait d'habiter Lyon, où il mourut le 15 mai 1891. Il laissa la Charmionne, la Dixmerie, la chapelle et les places, indivises, à ses trois fils : Pierre, Camille et notre bisaïeul Joseph. Pierre Jaillard avait cessé de venir à l'île Barbe après son mariage (20 octobre 1875), adoptant la propriété de ses beaux-parents à Limonest. Camille Jaillard passa longtemps l'été à la Charmionne, avant de vendre sa part à ses frères le 31 décembre 1904.

Joseph Jaillard n'habita jamais vraiment l'île Barbe, mais après sa mort (4 novembre 1913), sa veuve Constance née Goybet s'installa à la Dixmerie. Elle y recevait l'été ses enfants et petits-enfants. Plusieurs y naquirent : Charles Jaillard (1895), Marguerite Jaillard (1921), Pierre Jaillard (1924), Henri Jaillard (1927), Henri de Raucourt (1935), Bernadette Jaillard (1935. Le petit Jean de Raucourt y mourut (1938).

Ce partage de fait fut entériné le 1er février 1924 par la dissolution de l'indivision. Pierre Jaillard eut la Charmionne, mais la vendit aussitôt à sa nièce Lison Louise de Raucourt, qui la vendit enfin en 1945 ou 1946, après la mort de sa mère. Celle-ci, Constance Jaillard, eut le reste : la Dixmerie, la chapelle et les places. Morte le 25 août 1945, elle les légua à son fils Henri, qui les transmit enfin à son fils André. Ce dernier a établi à la Dixmerie sa résidence principale.

La chapelle Notre-Dame-de-Grâce est riche en souvenirs familiaux. Une plaque en marbre y rappelle la mémoire de Joseph et Charles Jaillard, morts en 1913 dans la catastrophe ferroviaire de Melun, et de Pierre Jaillard, mort en 1915 dans le torpillage du Léon Gambetta.

Longtemps délaissée en raison de sa faible dimension pour les grands rassemblements de notre nombreuse famille, la chapelle a cependant toujours prêté son charme paisible aux cérémonies plus intimes. On y a célébré les mariages de Magdeleine Jaillard et Henri Lepercq (1921), d'Henri Jaillard et Odile Rodier (1950), d'Anne Jaillard et Juan-Daniel Ferre-Mas (1977), de Mireille Cabane et Pierre Ollier (1977), de Blandine Jaillard et Didier Michel (1981), de Marie Jaillard et Alain Pareyn (1984), d'Odile Gros et Olivier Monnami (1987), de Joëlle Jaillard et Philippe Colombe (1987), de Christophe Gros et Marie-Laure Colotte (1990), d'Anne Pascalon et Franck Chevalier (1991), de Denis Jaillard et Véronique Fontaine (1993)... Jérôme Jaillard y fut baptisé en 1956.

C'est enfin dans la chapelle Notre-Dame-de-Grâce que s'est réuni en 1992 la première assemblé générale de notre "Gazette de l'île Barbe", dont le titre évoque ces souvenirs bicentenaires.

Pierre JAILLARD.

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In La gazette de l'île Barbe n° spécial

 

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